Ce que croient les protestants évangéliques

Cette question revient fréquemment aujourd’hui. Il y a plusieurs manières de comprendre le protestantisme évangélique : historique, sociologique, etc. L’une d’entre elles consiste à examiner ce que croient les évangéliques, à envisager le contenu de leur foi. Cette approche est particulièrement intéressante puisque le credo évangélique constitue leur « patrimoine génétique commun ».

Même s’ils sont répartis dans de nombreuses organisations et se présentent sous différentes étiquettes, ils ont en commun un grand nombre de convictions fondées sur la Bible, qui leur sont essentielles.

 

Foi et histoire

Comment devient-on chrétien évangélique ?

La prééminence du rôle de Jésus-Christ est liée à la doctrine de la conversion personnelle. Un « changement personnel suite à une expérience religieuse, la conversion s’interprète chez les protestants évangéliques comme un processus […]. L’individu reconnaît Jésus-Christ comme son sauveur mort pour ses péchés et ressuscité pour son salut. Cette étape s’accompagne de la repentance (regret du mal commis) et d’un choix d’obéissance (« suivre Jésus »), engendrant une reconfiguration globale de l’itinéraire biographique du converti » (Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion, sous la direction de Sébastien Fath, Éditions Brepols, 2004, page 335).

Cette conversion est toujours une décision personnelle et libre. C’est pourquoi les évangéliques sont attachés à la notion de liberté de conscience et de liberté d’expression de la foi.

À quelques rares exceptions, ils manifestent leur conversion par le baptême reçu à l’âge adulte. Ils ne baptisent pas leurs enfants pour leur conserver la liberté de choix lorsqu’ils seront capables de décider par eux-mêmes.

Chaque groupe croit-il ce qu’il veut ?

Non, c’est la Bible reçue comme source unique d’autorité et norme qui constitue une caractéristique de premier plan dans la foi protestante évangélique, quel que soit le groupe. L’autorité de la Bible s’exerce dans le domaine de la foi et s’étend à tous les aspects de la vie : morale personnelle, choix éthiques, valeurs…

La Bible occupe habituellement une place prépondérante dans la spiritualité évangélique, c’est elle qui nourrit la foi des croyants. La lecture personnelle quotidienne est encouragée. La lecture publique pendant le culte, les études bibliques constituent la colonne vertébrale de la vie des Églises protestantes évangéliques.

Que pensent-ils de la vie après la mort ?

Les évangéliques croient à la réalité d’une vie après la mort, avec ou sans Dieu, à la responsabilité de chacun. La vie terrestre des êtres humains revêt pour eux une grande valeur, car elle est unique et déterminante pour l’au-delà. La foi en la résurrection offre une vraie espérance. La conscience de l’éternité change les perspectives de la vie.

Les évangéliques qui osent parler de péché au 21è siècle, sont-ils culpabilisateurs ?

Une foule de gens, dans notre société contemporaine souffre d’une profonde culpabilité. La nier ou la refouler n’est d’aucun secours. L’évangile repose sur l’offre de Dieu d’un pardon gratuit accordé à qui se reconnaît pécheur. Ainsi le message évangélique, exigeant par nature, est en réalité libérateur. De nombreux évangéliques témoignent de la joie d’être pardonnés et déchargés de toute culpabilité. Dans leur théologie, la centralité de la croix et l’œuvre de Jésus sont fondamentales. « Pour les protestants évangéliques, il n’y a de christianisme authentique sans cette doctrine qui constitue à leurs yeux la clef de voûte de l’histoire du Salut » (Du ghetto au réseau. Le protestantisme évangélique en France 1800-2005, Sébastien Fath, Labor et Fidès, 2005, page 33).

Par ailleurs, les évangéliques aiment la vie d’autant plus qu’elle est pour eux un don de DieuLa fête est au cœur de l’évangile. D’ailleurs la Bible parle, pour décrire les évènements de la fin des temps, d’un gigantesque banquet nuptial ! Souvent le public est attiré par la chaleur et la convivialité des églises protestantes évangéliques.

Pensent-ils être les seuls à détenir la vérité ?

Les évangéliques n’ont pas le monopole de la vérité et ils le savent. Cependant, ils croient à l’existence d’une vérité unique et absolue, celle de Jésus-Christ qui, parlant de lui-même dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie, nul ne vient au Père que par moi » (La Bible : Évangile selon Jean, chapitre 14 verset 6). Pour les évangéliques, la vérité ne peut être la propriété d’aucune église ni d’aucun groupe humain. Il s’agit de suivre le Christ qui est venu révéler Dieu le Père.

Les évangéliques sont-ils fondamentalistes ?

Si fondamentaliste est compris comme intégriste, alors ils ne le sont pas (Cf. Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion, sous la direction de Sébastien Fath, Éditions Brepols, 2004, page 336). Cependant toute conviction forte, qu’elle soit morale, politique ou spirituelle, a nécessairement ses propres fondements. Les évangéliques tirent leurs valeurs de la Bible et ont le désir de mettre en pratique l’enseignement de Jésus-Christ, tel que chacun peut le découvrir dans les évangiles.

Les évangéliques font-ils partie du protestantisme ?

Oui, ils s’appuient sur les mêmes fondements que les réformateurs protestants du 16e siècle (Martin Luther, Jean Calvin…) : la Bible, la foi, la grâce. De plus, ils se reconnaissent volontiers héritiers de la Réforme dite radicale ou anabaptiste-mennonite qui a développé à la même époque une vision de l’Église séparée de l’état et a invité les hommes à un engagement de foi personnel.

Évangéliques ou protestants évangéliques ?

Les racines des évangéliques remontent au début du protestantisme, au 16è siècle (elles remontent même aux origines du christianisme : « Elles [les Églises évangéliques] sont issues du courant évangélique qui remonte à Jésus de Nazareth et, à travers les siècles, a porté tous les vrais disciples de celui-ci. »  L’Essor des Églises évangéliques, Philippe LARRÈRE (prêtre dominicain), Éd. Centurion, page 7). Ils partagent encore aujourd’hui les valeurs fondamentales des réformateurs (Martin Luther, Jean Calvin…). De plus, ils se reconnaissent volontiers dans la branche de la Réforme qui a revendiqué dès l’origine la séparation des Églises et de l’État et a plaidé pour des assemblées autonomes composées de convertis.

Il convient donc de désigner les évangéliques en France par l’expression plus complète de protestants évangéliques. Celle-ci tient compte du passé tout en permettant de les distinguer des Églises protestantes dites historiques comme les Églises réformées ou luthériennes. Cette distinction est d’ailleurs établie par le Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité du CNRS.

Pourquoi parlent-ils tant de leur foi : sont-ils fanatiques ?

Par leur disposition à sortir de leurs temples et de leurs églises et leur empressement dans l’annonce de l’Évangile, les évangéliques peuvent surprendre. Hommes et femmes de conviction, leur vie a été marquée par leur rencontre personnelle avec le Christ. Leur nouvelle relation avec Dieu donne un sens neuf à leur vie, un but à leur existence. Ils s’efforcent de calquer leur éthique personnelle sur les valeurs de l’évangile. Ils désirent le mettre en pratique et spontanément en parlent autour d’eux ! « C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle ! » (Le Christ dans l’évangile selon Luc, chapitre 6 verset 45) Quoi de plus normal ? On ne dit pas d’un écologiste qui trie ses déchets, choisit de circuler à vélo en ville, refuse d’acheter des produits sous blister, qu’il est un fanatique parce qu’il s’efforce d’ajuster ses actes à ses convictions. Ni parce qu’il cherche à convaincre d’autres personnes d’adopter le même comportement !

Les évangéliques sont-ils apocalyptiques ?

L’Apocalypse est le dernier livre de la Bible, c’est une prophétie qui décrit le retour du Christ et le déroulement des évènements de la fin des temps. Bien des prophéties avaient déjà annoncé sa première venue, de nombreuses autres prédictions annoncent son retour. Les croyants évangéliques considèrent que l’invitation biblique « Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu » (La Bible : Livre d’Amos, chapitre 4 verset 12), s’adresse à tous. Ils pensent que chaque homme a le droit de savoir.

Églises et organisation

Évangéliques ou évangélistes ?

L’adjectif évangélique se réfère à l’Évangile. Il désigne certaines Églises (et chrétiens) rattachés au protestantisme. Ce terme, longtemps considéré comme synonyme de protestant, identifie aujourd’hui un courant particulier du protestantisme.

Il ne faut pas confondre évangélique et évangéliste. Ce dernier vocable désigne les auteurs des quatre Évangiles. Il qualifie également une personne exerçant un ministère de prédication principalement orienté vers les non-croyants.

Les chrétiens évangéliques sont éclatés dans une multitude de dénominations !

Les Français sont habitués à la structure pyramidale et monolithique du catholicisme. Par comparaison, chez les évangéliques, l’absence d’une hiérarchie affirmée, d’un clergé ou d’une structure unique surprend et parfois déroute.

Les évangéliques peuvent être considérés comme une famille dans laquelle l’essentiel du patrimoine génétique est commun à tous les membres qui la composent. Seuls quelques chromosomes diffèrent et vont donner naissance à des personnalités distinctes et uniques. Les évangéliques ont l’essentiel en commun. L’histoire, la compréhension variée de certains aspects théologiques et ecclésiaux secondaires, expliquent que les croyants se regroupent en diverses dénominations : baptistes, méthodistes, pentecôtistes, frères…

Comment les églises protestantes évangéliques sont-elles organisées ?

Les Églises évangéliques locales (ou paroisses) sont en principe constituées en associations cultuelles (loi 1905). Très souvent, elles sont rattachées à une union d’Églises, leur famille spirituelle, elles-mêmes regroupées en fédérations. En France où l’on est plutôt habitué à la structure pyramidale et monolithique du type catholique, l’absence de hiérarchie, d’un clergé ou d’une structure unique surprend et parfois déroute. L’histoire, la compréhension variée de certains aspects théologiques et ecclésiaux secondaires, expliquent que les croyants se regroupent en diverses dénominations : baptistes, méthodistes, pentecôtistes, frères….

Localement, les Églises sont le plus souvent conduites par un pasteur et/ou un conseil pastoral composé de responsables bénévoles. En France, plusieurs Instituts Bibliques et Facultés de Théologie protestante évangélique forment des hommes et des femmes pour qu’ils deviennent pasteurs ou qu’ils accèdent à un autre ministère spécialisé (aumônier, catéchète, missionnaire, etc.).

Où les Églises protestantes évangéliques trouvent-elles leur financement ?

Les Églises protestantes évangéliques sont financées par leurs membres qui donnent librement, régulièrement, des contributions appelées offrandes. Leur montant est laissé à la libre appréciation du fidèle, en fonction de ses revenus et de sa générosité. Ces offrandes sont recueillies lors de collectes organisées de façon très variable selon les Églises. Ces collectes servent à financer les activités, payer les pasteurs et acquérir ou louer les locaux cultuels nécessaires. Souvent les unions d’Églises et association supra-locales se dotent de mécanismes de régulation financière pour faciliter l’entraide entre les Églises et leurs pasteurs.

À entendre les observateurs, les évangéliques font globalement preuve d’une remarquable générosité. Naturellement à l’aise avec les principes de la loi sur les associations cultuelles de 1905 (celle-ci correspond à leur façon de concevoir l’Église locale : comme un groupe d’adhérents ayant fait un choix délibéré), les évangéliques financent eux-mêmes entièrement leurs lieux de cultes.

Comment expliquer la croissance des évangéliques ?

On dénombre aujourd’hui plus de 2300 Églises locales (paroisses) en France métropolitaine regroupant 460 000 pratiquants réguliers de tous âges. En 1950, ils n’étaient que 50 000. Les évangéliques sont actuellement majoritaires au sein du protestantisme français en ce qui concerne le nombre de pratiquants réguliers (ils en représentent les trois-quarts) et d’implantations locales. 35 Églises locales supplémentaires sont implantées chaque année. Soit une tous les 10 jours ! Ce phénomène ne se limite pas aux grands centres urbains. Cette augmentation se vérifie un peu partout en France.

Des raisons extérieures :

  • La sécularisation de la société française depuis la deuxième moitié du 20è siècle a provoqué le déclin des grandes Églises, la perte de repères spirituels et moraux.
  • La modernité n’a pas tenu ses promesses. Beaucoup sont déçus par les progrès techniques qui isolent les individus dans des rapports de plus en plus virtuels.
  • Dans le même temps, le besoin de réponses aux questions existentielles n’a pas varié.

Des raisons propres :

  • Devenir chrétien évangélique par libre choix, par conviction personnelle est une notion moderne, conforme aux aspirations de nos contemporains.
  • Chaque croyant est invité à mettre l’Évangile de Jésus-Christ en pratique dans sa vie personnelle, ce qui constitue un vrai projet de vie.
  • Les évangéliques savent allier un certain conservatisme doctrinal, des fondamentaux théologiques anciens et éprouvés avec leurs points de repères et leurs valeurs stables, à une flexibilité culturelle quant aux formes de l’expression de la foi et de la vie de l’Église.
  • La doctrine protestante évangélique répond à la demande d’authenticité, de respect de la personne humaine et de ses besoins dans tous les domaines de la vie.
Les évangéliques sont-ils d’origine américaine ?

Considérer les évangéliques comme un mouvement américain colonisant le monde est partial et inexact. Le mouvement évangélique est apparu sur le continent européen, en Suisse, en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, en Angleterre avant même… la naissance des États-Unis. D’ailleurs, de nombreux évangéliques ont émigré en Amérique aux 17è et 18è siècles à cause du manque de liberté religieuse qui sévissait en Europe et singulièrement en France. Reste qu’un certain nombre d’Églises évangéliques en France, comme dans d’autres parties du monde, ont été fondées avec le concours de missionnaires américains, essentiellement à partir de la Seconde Guerre mondiale.

Les évangéliques français ne dépendent d’aucune instance dirigeante située ailleurs dans le monde. S’ils entretiennent des relations internationales et favorisent des partenariats, ils le font par fraternité chrétienne tout en veillant à leur indépendance typiquement protestante.

Les Églises évangéliques sont-elles surtout des Églises dites "issues de l'immigration" ?

C’est l’image que certains médias donnent. Celle-ci ne correspond pas à la réalité des Églises évangéliques françaises dans leur ensemble.

S’il est vrai que de nombreuses communautés, composées de fidèles d’origine étrangère, ont été fondées depuis quelques années, celles-ci reflètent pour l’essentiel la réalité démographique de la banlieue parisienne et de quelques grandes villes de France. De plus, le terme ethnique est souvent utilisé en trompe-l’œil, parfois teinté de racisme. En effet, sur quels critères attribuer le caractère d’ethnicité à une Église ? Si certaines Églises intègrent des traditions culturelles (musique, danse…) apportées par des membres d’origine étrangère, ces traditions ne peuvent être assimilées à des signes distinctifs évangéliques.

Les Églises évangéliques sont, par essence, ouvertes à tous, sans exclusivité ni restriction ethnique ou sociale… Ce qui est en accord avec la Bible qui souligne : « Maintenant, il n’y a plus de place pour les discriminations faites par les hommes. Il n’y a plus de différence entre Juif et Grec, serviteur et maître, homme et femme : toutes ces distinctions humaines tombent. Unis au Christ, vous ne faites plus qu’un » (La Bible, Épître aux Galates, chapitre 3 verset 28).

Laïcité et relations

Les évangéliques sont-ils une secte ?

Le rapport parlementaire sur les sectes (Rapport N° 2468 du 20 décembre 1995), bien conscient de la difficulté de définition, propose trois sens possibles du mot secte : étymologique, sociologique, « dangerosité ». Selon ces critères, le protestantisme évangélique n’est pas concerné par cette question. Cependant, aucun groupement humain n’est à l’abri de dérives sectaires

Autres différences avec les sectes, les évangéliques possèdent deux atouts sociaux propres à les éloigner d’un fonctionnement sectaire :

  • Dans la ligne de la tradition protestante, les évangéliques accordent une place prépondérante au choix individuel. Cette attitude les tient a priori à l’écart des logiques « d’embrigadement » ou de « lavage de cerveau ».
  • Les évangéliques sont très attachés au principe démocratique. Leurs Églises fonctionnent généralement de manière autonome. En principe, le pasteur ou les responsables sont élus par les membres de l’Église et les décisions soumises au vote des fidèles. Ce fonctionnement est à l’opposé de la domination d’un groupe par un gourou.
Que pensent les évangéliques de la laïcité ?

Ils sont depuis l’origine attachés aux valeurs de la République comme la laïcité, comprise comme séparation institutionnelle des Églises et de l’État. Ils la conçoivent comme une laïcité ouverte plutôt qu’une laïcité-silence ou laïcité-ignorance. Ils s’inscrivent en faux contre cette compréhension simplificatrice et erronée de la laïcité synonyme de refus de toute religion dans l’espace public.

Ils défendent particulièrement le principe de la liberté de conscience qui a pour corollaire la liberté d’expression comme le formule, par exemple, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales qui consacre deux articles à ces questions :

  • Article 9-1 : Liberté de pensée, de conscience et de religion. « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »
  • Article 9-2 : Liberté de manifester sa religion ou ses convictions. « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Font-ils du prosélytisme ?

L’évangélisation est la proclamation publique de l’Évangile. Elle est destinée à informer nos contemporains afin de leur donner l’occasion d’établir une relation personnelle avec Dieu. L’évangélisation est une offre spirituelle ouverte. Elle fait appel à la liberté de conscience de chacun. L’invitation qu’elle adresse vise la conviction intérieure, la foi de chacun.

Le mot prosélytisme est devenu aujourd’hui franchement péjoratif et même abusivement synonyme de racolage. Ce terme évoque une propagande religieuse massive comportant des éléments de pression, de harcèlement, de conditionnement psychologique qui s’apparente à l’intégrisme. Généralement, le prosélytisme accentue les spécificités d’un mouvement comme condition, souvent exclusive, du salut. Le prosélytisme s’apparente parfois à de l’embrigadement. Les évangéliques rejettent et condamnent ces méthodes. Ils ont à cœur, comme l’a enseigné le Christ, de partager leur découverte personnelle de l’Évangile.

Les évangéliques et la politique

Cette question complexe est davantage liée aux spécificités politiques d’une nation qu’à des raisons théologiques. Aux États-Unis où plus d’un Américain sur quatre se déclare évangélique, ceux-ci jouent un rôle indéniable en particulier lors des élections présidentielles.

Dans certains pays dans lesquels les évangéliques sont nombreux, comme le Pérou, le Guatemala, le Brésil ou l’Ouganda, leur influence est plus contrastée. Parfois leur apport politique et social est reconnu pour son utilité à l’exemple de celui des pentecôtistes en Ouganda en matière d’alphabétisation et de scolarisation (souligné par Odon Valet dans La planète des autres, France 5 émission diffusée le 5 juin 2005).

En France, la situation est plus simple. Les Églises évangéliques adhèrent depuis l’origine au principe de laïcité, de la séparation des Églises et de l’État. Elles sont soumises à la loi républicaine, et sont constituées en associations cultuelles 1905. Leurs statuts précisent qu’elles ne poursuivent aucun but politique. On observe un pluralisme politique effectif parmi les membres de ces Églises.

Les évangéliques et les autres religions ?

Contrairement à une idée reçue, une conviction religieuse forte ne conduit pas inévitablement à l’intolérance. Les évangéliques souhaitent témoigner de leurs croyances, en suivant l’enseignement et l’exemple du Christ qui les enjoint à « aimer son prochain comme [soi]-même » (La Bible : évangile selon Matthieu, chapitre 22 verset 39). Cette volonté de l’amour induit le respect de l’autre, de ses convictions, exclut toute violence et ne laisse pas de place au fanatisme. Ils n’ont nullement l’intention d’imposer leurs croyances à autrui.

Cependant, aucun groupe humain n’est à l’abri de comportements de repli sur soi ou de dérives sectaires. C’est alors que le rôle d’instances nationales régulatrices comme le Conseil national des évangéliques de France ou la Fédération Protestante de France prend toute son importance.

Les évangéliques sont-ils conservateurs ?

La réponse dépend du contexte sociétal en général et du thème abordé en particulier. Les Églises protestantes évangéliques maintiennent des positions de morale personnelle fermes dans leur principe : mariage réservé aux couples hétérosexuels, protection de la vie jusqu’à la mort naturelle… tout en développant l’accueil de chaque être humain dans sa situation singulière.

Cependant les évangéliques puisent dans le message de la Bible, des valeurs d’une incontestable modernité. Le respect de l’homme, quelle que soit son origine, considéré comme créature de Dieu, a pour eux des implications concrètes : actions sociales et humanitaires, lutte contre les discriminations. Ils manifestent un intérêt grandissant pour les questions liées à l’écologie et à une économie respectueuse de la dignité de l’homme.

"Les born again christians sont une horrible secte !" (Paula Jacques, France Inter dans Cosmopolitaines le dimanche 19 juin 2005)

Cette remarque témoigne d’une ignorance regrettable. Born again christian signifie littéralement chrétien né de nouveau. Plutôt que de conserver cette expression en anglais, et de donner ainsi l’impression d’une opacité sectaire, il convient simplement de la traduire. En effet, elle est directement importée… de la bouche même de Jésus dans l’Évangile ! « Jésus lui répond [à Nicodème, chef religieux juif] : Je te le dis, c’est la vérité, personne ne peut voir le Royaume de Dieu, s’il ne naît pas de nouveau » (La Bible : Évangile selon Jean, chapitre 3 verset 3).

La nouvelle naissance est l’expérience spirituelle, la transformation intérieure vécue par celui qui place sa confiance en Dieu le Créateur et choisit de prendre au sérieux et d’appliquer dans sa vie personnelle l’enseignement du Christ. C’est ainsi que l’on devient chrétien… évangélique. Plutôt que d’une dérive sectaire, il s’agit d’un véritable retour aux sources chrétiennes.

KTO émission du 14/06/2009 52’16

Avec Patrice de Plunkett, journaliste et essayiste, auteur de « Les Évangéliques à la conquête du monde » (Perrin, 2009) et Louis Schweitzer, Professeur d’éthique et de spiritualité à la Faculté de théologie évangélique de Vaux sur Seine.