Laïcité : voile « islamique » et voile des nonnes sont-ils comparables ?

Le 27 septembre 2018

Les débats sur le voile sont régulièrement relancés, que ce soit à travers l’école, l’ex salariée de la crèche Baby-Loup, l’UNEF et sa représentante voilée ou autres burkinis. Pourquoi une telle sensibilité, une telle hystérisation lorsque la question du voile se pose ? Tout d’abord parce qu’il est l’arme politique la plus efficace des intégristes musulmans. L’évolution de l’UNEF en est une des plus belles illustrations. La laïcité est alors brandie comme bouclier par les uns, même lorsqu’elle n’est pas concernée (comme le problème des burkinis sur les plages). En face, elle est tordue par les islamistes et leurs soutiens qui considèrent la laïcité française comme un obstacle. Mais le fond des crispations n’est pas là. La laïcité n’est qu’une conséquence. Le cœur du problème, ce qui touche au plus profond, est la signification réelle du voile et la conception que nous avons de la moitié de l’Humanité : les femmes.

Si les intégristes invoquent la spiritualité auprès du grand public, elle n’en a jamais été la justification auprès des musulmans. Le Coran n’est pas qu’un livre religieux. C’est aussi un livre politique, social et juridique. Concernant l’héritage par exemple, le Coran autorise la femme à obtenir une part équivalente à la moitié de celle d’un homme. Ce fut éminemment progressiste à l’époque de la Révélation : une ère où la femme n’avait pas d’existence juridique. En cela, le Coran fut une révolution. Seulement, 1400 ans se sont écoulés. L’Humanité a évolué. Cette conception de l’héritage, véritable progrès au VIIe siècle, serait une régression au XXIe. Que ce soit à l’époque de la Révélation ou aujourd’hui, a-t-on déjà avancé l’argument du spirituel pour justifier cette différence sexuée dans l’héritage ? Non, jamais. Les arguments ont toujours été sociaux et économiques. Aujourd’hui aussi, personne ne clamerait son désir d’appliquer la demi-part aux musulmanes en invoquant sa spiritualité pour être plus proche de Dieu.

C’est la même chose pour le voile. Les trois versets qui l’abordent vaguement n’ont jamais évoqué la spiritualité. En dehors des cinq prières quotidiennes, le voile n’est pas un vêtement religieux et n’a jamais été un objectif en soi. Cela concerne uniquement les mœurs dans la gestion sociale de la cité arabique du VIIe siècle : protéger la femme musulmane de l’offense (Coran, sourate 33 verset 59).

Aujourd’hui, par l’acceptation de l’interprétation extrémiste de l’islam, le « voile » n’est plus un moyen correspondant à des circonstances précises de l’Arabie du Moyen-Age. Il a été transformé dans sa forme matérielle (le voile des islamistes n’est pas celui du Coran qui n’a jamais évoqué la dissimulation des cheveux, du visage ou du cou) et dans sa signification. C’est un attribut vestimentaire qui a pour vocation de marquer l’infériorité d’un groupe humain, les femmes. Il n’a de raison d’être que pour hiérarchiser l’Humanité, stigmatiser et discriminer sa moitié féminine. C’est la définition du racisme.

La religion n’est qu’un prétexte, un vernis posé par les intégristes pour être brandi à la société. Le présenter comme un signe religieux offre l’avantage de déplacer le débat du sexisme et de l’égalité des sexes vers la laïcité. Cela permet de « sanctuariser » le voile au nom de la liberté religieuse.

Cette position a été celle des islamistes dès la première affaire de ce type dans un collège de Creil en 1989. L’État a fait le choix de les écouter, plutôt que de chercher à s’informer, et est allé tout droit où les islamistes voulaient l’amener : la laïcité. Le vrai terrain du voile, celui du sexisme et du patriarcat, est impossible à défendre dans un pays comme la France. En tant qu’oppresseurs, les intégristes ne peuvent défendre l’indéfendable. En revanche, le terrain de la laïcité leur permet de ne plus avoir l’image d’oppresseurs mais d’opprimés, celle de « musulmans » persécutés par une société « islamophobe » qui restreindrait la liberté religieuse. Il est ainsi bien plus aisé de revendiquer une laïcité « ouverte » ou « inclusive » plutôt qu’un sexisme « ouvert » ou un patriarcat « inclusif ».

Ce renversement permet, par exemple, à ce vêtement raciste et discriminant de ne pas être une des cibles de la Déclaration Universelle des Droits Humains visées par son article 1 mais, au contraire, de bénéficier de sa protection en tant que « manifestation de sa religion » par l’article 18.

L’emballage religieux du racisme sexuel permet également aux islamistes, et à leurs soutiens « idiots utiles », de toujours comparer le voile à des signes d’autres religions pour en dissimuler le sexisme et toujours orienter le débat vers le terrain qu’ils ont choisi, quitte à trahir l’islam.

Voile « islamique » et voile des nonnes

Le voile est ainsi régulièrement comparé à celui des nonnes et à la croix chrétienne. Or, ils n’ont rien en commun. Mais quoi de mieux que des symboles chrétiens qui parlent à tous les français pour donner au voile un semblant de religiosité et diviser le camp laïque ? Ce camp sait se montrer uni face à l’intégrisme catholique. Mais, par l’efficace stratégie victimaire et d’inversion des rôles des islamistes, ce même camp se retrouve divisé face à l’intégrisme musulman et oublie la véritable signification du voile.

Selon les islamistes, leur voile s’adresse à toutes les musulmanes, quels que soient leur âge et leur vie. Tout au moins, à celles qui « se respectent » et ont de la « pudeur »… Le voile des nonnes, lui, ne s’adresse pas à toutes les catholiques, et encore moins à toutes les chrétiennes. Comme sa dénomination l’indique, il s’adresse… aux nonnes. Le voile, la cornette ou la guimpe entourant le visage des religieuses catholiques ont plusieurs significations.

Elles appartiennent à un ordre religieux régi par des règles ecclésiastiques (le régulier) en dehors du temps et de la société (le séculier). Cette ordination est rendue visible par leurs habits monastiques, dont le voile est un des éléments, qui en sont les uniformes : « l’habit est un signe de consécration, de pauvreté et d’appartenance à une famille religieuse déterminée » (1). Dans cette déclaration de Jean-Paul II, la « famille religieuse » n’est pas la famille catholique pour la distinguer des autres religions. C’est le synonyme de « ordre religieux ». On ne dit d’ailleurs pas d’une femme entrant dans les ordres qu’elle « met le voile » mais qu’elle le prend. « Prendre le voile » signifie entrer au couvent. Ce voile est le symbole du mariage des religieuses avec Dieu et Jésus Christ. Cette pratique est sans doute l’héritage des vestales romaines (prêtresses de Vesta, vouées à la chasteté pendant les trente années de leurs fonctions). Elles côtoyèrent les premiers chrétiens qui, eux-mêmes, étaient d’anciens adorateurs des Dieux romains. Depuis le début, le voile des religieuses catholiques a la même fonction que celui des vestales romaines d’antan : se distinguer des femmes laïques.

Les nonnes vivent presque en autarcie. C’est un choix de vie au sein d’une communauté qui a fait vœu de célibat, de chasteté sexuelle (corollaires de leur mariage symbolique) et de pauvreté pour se consacrer à la prière. Leur voile symbolise aussi le sacrifice de s’être retirées du monde (pas de mariage, pas d’enfants, peu de vie sociale autre qu’avec les nonnes) pour montrer leur dévouement total à Jésus Christ. L’uniforme monastique étant uniquement spirituel sans aucune connotation sexuelle, et Dieu supposé être partout, ces religieuses sont toujours voilées, même lorsqu’elles sont entre elles.

Le voile prescrit par les intégristes musulmans est-il comparable ?

Absolument pas. Une correspondance esthétique ne signifie pas une équivalence philosophique et idéologique. Les islamistes n’ont jamais prescrit le voile pour des raisons spirituelles. Il ne signifie en rien un engagement religieux, ne demande pas l’abstinence sexuelle, ni la pauvreté, ni le célibat, ni de vivre en autarcie. Il n’existe pas de couvents où devraient vivre les musulmanes et dont le voile serait l’uniforme. Aucune d’entre elles ne considèrent être mariée au Prophète Mohamed ou à Dieu, un mariage spirituel dont le voile serait le symbole.

Le voile islamiste, quelles que soient sa forme et sa longueur, est uniquement prescrit pour des raisons racistes et sexistes : considérées comme des objets sexuels sources de toutes les tentations, les femmes devraient cacher leur corps, y compris leurs cheveux, le cou, les bras, etc., pour ne pas exciter la libido de ces morts de faim que seraient les hommes. Il n’est pas question d’apprendre aux hommes à se contrôler. C’est à la femme de prendre les mesures nécessaires pour « se respecter » et ne pas être victimes de ses bourreaux potentiels.

Autrement dit, pour éviter les érections de pénis et des troubles dans la société, les femmes devraient se bâcher. La moindre mèche de cheveux qui dépasserait sera considérée comme tentatrice. Leur inversion classique des rôles par la culpabilisation se joint à la séduction pour amener les femmes à accepter elles-mêmes le voile, en le présentant comme un vêtement de « pudeur » et de respectabilité. Il devient à la fois une forme de valorisation, de protection patriarcale, de punition et de discrimination.

Tout tourne autour de la sexualité, de la culpabilité et du contrôle du corps des femmes. Il a été créé pour ça. Il est prescrit pour cela par les religieux dans la totalité des pays musulmans, la totalité de leurs livres et de leurs prêches. Il n’a jamais eu d’autre signification. La religion est bien un prétexte.

Ainsi, et contrairement aux nonnes, ce voile ne se porte pas dès le réveil le matin et ne s’ôte pas forcément le soir avant de se coucher. Tout comme le christianisme, l’islam considère que Dieu serait partout et verrait tout. Or, en présence de sa famille, de son éventuel mari, d’autres femmes ou seule, une musulmane voilée l’enlève. En présence d’enfants mâles, qu’ils soient ou non de sa famille, elle se dévoile également puisqu’ils ne sont pas sexuellement actifs. En revanche, elle porte le voile lorsqu’elle risque de croiser tout homme pouvant théoriquement avoir des relations sexuelles avec elle.

Nous sommes bien loin du spirituel et du voile des nonnes. Cette instrumentalisation de l’islam par les islamistes à des fins sexistes et politiques peut être vue comme une aberration théologique. Toujours prompts à accuser de blasphème ceux qui les critiquent (par leur usage du terme « islamophobie »), et tout embrumés par leur fanatisme et leur sexisme, les intégristes ne réalisent pas que le voile porte le blasphème aux nues. Revendiquer le vêtement le plus raciste et sexiste que l’homme ait inventé, laisser croire qu’il est religieux, le faire passer du rôle de moyen circonstanciel à un objectif en soi universel et intemporel, au point d’en faire quasiment le 6ème pilier de l’islam, c’est ce que les religieux appellent une « innovation ». En islam, l’innovation est une des pires choses qui soit, un blasphème impardonnable.

Source et lire la suite : Blog de Naëm Bestandji

(1) Jean Paul II, Vita Consecrata 25, cité par Moreau Régis, Guide de lecture des textes du concile Vatican II, la réforme de l’Eglise – Tome 2, Artège éditions, 2013.
(2) Qaradhawi Youcef, Le licite et l’illicite en islam, Éditions Al Qalam, Paris, 1992, rééd 2005.

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