Quand les maladies du « croire » mettent la démocratie en danger
« Si je crois en Dieu ? Oui, quand je travaille », écrit Matisse en 1947. Lui, le peintre agnostique, s’apprête à se lancer littéralement corps et âme dans ce qu’il considérera comme son plus grand chef-d’œuvre, pépite de l’art sacré qu’il a pensée et peaufinée dans les moindres détails : la chapelle du Rosaire à Vence (Alpes-Maritimes). Picasso s’en étonne : « Mais pourquoi faites-vous ces choses-là ? Je serais d’accord si vous étiez croyant. Dans le cas contraire, je pense que vous n’en avez moralement pas le droit. » Et Matisse de lui faire cet aveu : « Au fond, Picasso, il ne faut pas que nous fassions les malins. Vous êtes comme moi : ce que nous cherchons tous à retrouver en art, c’est le climat de notre première communion. »
Changement de paradigme
Cette conversation entre ces deux monstres sacrés de la peinture en dit long sur le changement de paradigme qui marque le XXe siècle : croire – sous-entendu en Dieu, compris au sens le plus classique du terme – ne va plus de soi. Et si l’adhésion au christianisme avait jusqu’alors façonné la société tous azimuts, de la politique à la vie intellectuelle, artistique et culturelle, ce siècle va être celui de la métamorphose. De manière très symbolique, il débute par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, votée en 1905, qui pose les bases d’une société laïque. La « France très chrétienne » est morte, vive la liberté de conscience !
Une liberté acquise de haute lutte, après des siècles d’emprise religieuse. Mais une liberté qui n’est pas sans générer une sourde nostalgie, une béance métaphysique, comme le laisse entendre la confidence de Matisse à Picasso.
Le sentiment d’avoir quitté à jamais l’âge de l’innocence, où l’on croyait spontanément ce qui nous était enseigné. Où l’on s’en remettait naturellement à Dieu. « L’immense absence, partout présente », déplorée par le philosophe Alain. Lire la suite et source : Le Monde