La proposition de loi de Monique Limon (LREM), qui doit faciliter l’adoption d’enfants, est sous le feu des critiques (cf. Adoption : une proposition de loi vide « de l’essentiel pour sécuriser un enfant »). Ouverture de l’adoption aux couples liés par un Pacs et aux concubins, abaissement de l’âge minimal pour adopter – il passe de 28 à 26 ans -, suppression des organismes autorisés pour l’adoption (OAA), autant de mesures controversées.
L’enfant fragilisé
Pour le pédopsychiatre Pierre Levy-Soussan, en élargissant les possibilités d’adoption aux couples non mariés, « ce texte vise avant tout à augmenter le droit des adultes à adopter, à indifférencier davantage les statuts de couple parental, voire même à satisfaire une revendication de non-discrimination entre couples mariés, partenaires ou concubins ». L’enfant lui serait moins protégé. En effet, « la dissolution du mariage passe par la procédure de divorce qui assure l’intervention de juge ou d’avocats, explique Aude Mirkovic, juriste, porte-parole de l’Association Juristes pour l’enfance, ce qui permet que l’intérêt de l’enfant soit pris en considération. Les concubins ne se doivent rien au moment de la rupture ou du décès de l’un d’eux, et l’un des parents peut se retrouver en situation très précaire, ce qui a forcément un impact sur l’enfant ».
Concernant les OAA, l’une d’elles, Emmanuel-France dénonce le projet de créer « un monopole des services de l’État sur les projets d’adoption pour les enfants en France ». Aujourd’hui souligne Aude Mirkovic, l’enfant confié à un OAA a 100% de chance d’être adopté « y compris les enfants handicapés, en raison du travail associatif qu’ils réalisent dans ce domaine. En revanche, la moitié des enfants adoptables confiés à l’ASE ne trouvent pas de familles ».
Traitant de l’adoption des enfants délaissés, Marie-Christine Le Boursicot, magistrat, estime que « le texte cumule les problèmes. Tout d’abord, tous les pupilles de l’État ne sont pas adoptables. De plus, il est très important d’associer les parents au consentement à l’adoption. Il ne faut pas revenir à ce qui existait autrefois, le procès-verbal “d’abandon”, très préjudiciable à la construction de ces enfants ».
En arrière fond, la loi de bioéthique
Des amendements ont été déposés pour que « l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) ne fasse pas obstacle à ce que l’enfant né à l’étranger d’une mère porteuse puisse être adopté de façon plénière par le conjoint, “même lorsqu’aucune information relative à la mère biologique n’est présente au sein de l’acte de naissance étranger” ». Bien que rejetés en commission des lois, ils devraient s’inviter dans les débats. Si elle était adoptée, cette mesure porterait « une atteinte sans précédent à l’autorité parentale (…). Cette disposition introduirait un précédent d’adoption forcée dans le Code civil, qui pourrait être invoqué par toute personne ayant participé à l’éducation de l’enfant pendant un certain temps : un concubin et, pourquoi pas, la nourrice… », explique Aude Mirkovic.
Enfin, Pascale Morinière, présidente des AFC s’inquiète. En effet, la mention de l’« intérêt supérieur de l’enfant » qui figurait dans la première version du texte a été supprimée « après son passage en commission des lois ». «Or, cet adjectif n’est pas du tout anodin. Il signifie bien que l’on priorise l’intérêt de l’enfant sur celui de tous les adultes : parents de naissance, parents adoptifs mais aussi l’administration », souligne Pascale Morinière qui considère que « cette lacune met la France en porte-à-faux avec la Convention internationale des droits de l’enfant ».
Aujourd’hui, 10.676 candidats à l’adoption disposent d’un agrément. « Un nombre très supérieur au nombre d’enfants adoptables ». En 2018, « environ 650 pupilles de l’État ont été adoptés et 615 enfants recueillis dans le cadre de l’adoption internationale ». Pour Aude Mirkovic, « avant de changer la loi, ce sont les pratiques contradictoires des tribunaux qu’il faudrait changer ».
Note de la rédaction : l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale a commencé mercredi 2 décembre.
Source : Généthique
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