Il ne l’attendait plus. Il y a 15 jours encore, il envoyait un Livre blanc au cabinet du secrétaire d’État au numérique Cédric O pour demander une telle mesure. Et depuis des années, Gordon Choisel, président de l’association Ennocence, avait fait de l’interdiction de l’accès des plus jeunes à la pornographie en ligne son cheval de bataille. Le Sénat vient de l’entendre, le 9 juin, au détour de l’examen de la loi contre les violences conjugales.
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La rapporteure du texte, Marie Mercier (LR), a défendu par amendement, la création d’une nouvelle procédure afin d’obliger les éditeurs de sites pornographiques à contrôler l’âge de leurs clients. L’amendement, voté à l’unanimité des groupes et soutenu par le gouvernement, devrait être confirmé par l’Assemblée nationale en seconde lecture.
Le problème est connu de longue date. « En principe, l’article 227-24 du Code pénal permet de sanctionner les sites qui diffusent des images pornographies susceptibles d’être vues par un mineur. (…) Mais en pratique, cet article n’est pas appliqué dans l’univers numérique, la justice ne parvenant pas à atteindre les éditeurs de ces sites, souvent basés dans des paradis fiscaux qui ne coopèrent pas avec la France », a rappelé la sénatrice.
Carte bancaire de l’internaute demandée
Pour y remédier, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les jeux en ligne, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devra désormais vérifier que les sites contrôlent réellement l’âge des internautes qui les fréquentent. Ceux-ci devront demander la carte bancaire de l’internaute, ou passer par le système d’identification France Connect déjà utilisé par de nombreuses administrations, par exemple. Et cela, même quand les contenus mis en ligne sont gratuits. En cas de refus de coopérer, le CSA saisira le tribunal judiciaire de Paris afin que les fournisseurs d’accès bloquent la diffusion du site incriminé en France.
Protection des plus jeunes
Or c’est la protection des plus jeunes qui est aujourd’hui le véritable enjeu. Ces dernières années, selon tous les observateurs, l’âge moyen de l’exposition à la pornographie n’a cessé de baisser. « La découverte de la pornographie a lieu à 9 ans aujourd’hui », estime ainsi Gordon Choisel. Et le problème est massif alors que l’on compte, toutes tranches d’âge confondues, « 25 millions de connexions par jour, depuis la France », avance Marie Mercier.
Au point que la question de l’accès à la pornographie est devenue un enjeu de santé publique. La nature des contenus a, en effet, elle aussi beaucoup évolué, constate encore la sénatrice. « Désormais, le porno de base est très violent. Les femmes se font étrangler, etc. On assiste à un déplacement de la norme face auquel on doit réagir. On ne peut pas laisser des petites filles grandir avec l’idée que c’est normal de se faire violenter. Il y a urgence à s’emparer de ce sujet et à monter que nous, adultes, nous ne les laissons pas seules face à ce matraquage. »
Cette disposition pourrait, en outre, être complétée par l’obligation d’installer un contrôle parental par défaut, imaginée par Emmanuel Macron le 20 novembre dernier, lors des trente ans de la Convention internationale des droits de l’enfant. Ce jour-là, le président de la République avait donné six mois aux opérateurs pour lui proposer une solution avant que la loi ne les y contraigne. Depuis, la crise sanitaire est passée par là et a balayé les agendas parlementaires. Les six mois sont désormais écoulés. D’où la nécessité, saisie par les sénateurs, d’avancer malgré tout sur ce sujet.
Source : La Croix
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