Le pardon de « la petite fille au napalm »

Le 19 novembre 2019

« À travers ce que j’ai vécu comme enfant, ma vie a été métamorphosée. J’ai découvert énormément de choses et malgré la souffrance, je suis reconnaissante. J’ai appris à pardonner », confie aujourd’hui Kim Phuc Phan Thi. En vietnamien, son prénom signifie « bonheur doré ». Pourtant, Kim Phuc, plus connue comme « la petite fille de la photo », n’a pas grandi dans l’opulence. Le bonheur, elle a dû batailler pour le rencontrer. Qui ne se souvient pas de cette photo d’une enfant courant nue sur une route, un épais nuage de fumée derrière elle, en pleine guerre du Vietnam ? Le 8 juin 1972, âgée de 9 ans, Kim vient d’être sauvagement brûlée à la suite d’une attaque au napalm. Immortalisée par Nick Ut, un jeune photographe d’Associated Press (AP), son image a fait le tour du monde. 47 ans plus tard, après quatorze mois d’hospitalisation, dix-sept interventions chirurgicales, mais surtout une conversion complète du cœur, elle vit au Canada, désormais épouse et mère de famille. Elle a fait un court passage à Paris début octobre pour parler de son livre Sauvée de l’enfer, et Aleteia a pu la rencontrer.

« Pourquoi moi ? »

Abîmée, souffrante, à fleur de peau dans tous les sens du terme, l’enfant puis la jeune femme qu’elle est devenue court après une raison de vivre et une réponse à ses questions lancinantes : « Pourquoi moi ? Pourquoi tant de souffrance ? Et de façon continue ? ». Élevée dans le caodaïsme, une religion syncrétiste qui s’est développée au Vietnam dans les années 1920, elle recherche alors la paix à travers la religion, la famille et l’école, mais elle fait chou blanc. Elle songe à mettre fin à ses jours avec l’espoir qu’elle cessera de souffrir, tant physiquement que moralement. « J’étais perdue. Le napalm ne m’a pas tuée, mais la colère et l’amertume ont failli le faire. Ne trouvant aucune solution à cette quête, j’ai fini par aller à la bibliothèque de Saïgon où j’ai cherché tous les livres imaginables », raconte-t-elle. À l’âge de 19 ans, elle fait une rencontre déterminante. « Je suis tombée sur le Nouveau Testament. Ce livre était différent. Plus je le lisais, plus j’avais de questions ». Elle tombe sur un verset de l’Évangile de saint Jean : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne s’en va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 6). Elle n’est déjà plus la même.

« Je recherchais la paix et je portais un fardeau bien trop lourd pour une personne de mon âge. Je me suis convertie au christianisme et cela a été un grand basculement dans ma vie. J’ai commencé à ressentir la paix et la joie. C’est à ce moment-là que j’ai compris que ces bombes m’avaient menée vers Dieu. »

« Quel choc ! », lance-t-elle. À Noël 1982, elle entre dans une église. Le message du pasteur la percute de plein fouet. « Il disait que Dieu était mort sur la croix pour expier nos péchés et que si nous ouvrions notre cœur et que nous l’acceptions comme notre sauveur personnel, il nous déchargerait de nos fardeaux et nous donnerait la paix. Justement, je recherchais la paix et je portais un fardeau bien trop lourd pour une personne de mon âge. Je me suis convertie au christianisme ». Un sacré basculement dans sa vie ! Elle commence enfin à ressentir paix et joie. « C’est à ce moment-là que j’ai compris que ces bombes m’avaient menée vers Dieu. Je ne peux pas remonter le temps et je suis aujourd’hui reconnaissante que cela me soit arrivé. Je sais que quand je mourrai, j’irai au Ciel ».

Le lent chemin du pardon

La transition n’a pas été simple pour autant. La haine qui a envahi le cœur de la jeune femme ne disparaît pas en un clin d’œil. « Je ne pouvais plus vivre ainsi. Mais au début, il m’était impossible de pardonner. Je me suis dit que j’allais faire de mon mieux. En premier lieu, j’ai cessé de me demander “pourquoi” et j’ai demandé à Dieu de m’aider. Je lui ai fait confiance car je savais qu’il pouvait accomplir l’impossible. J’ai appris à devenir quelqu’un de positif et à dire non aux pensées négatives. J’avais la liste de tous mes ennemis, que je maudissais. Elle est devenue la liste de mes prières. Plus je priais pour mes ennemis qui étaient la cause de mes souffrances, moins je souffrais. Mon cœur a été libéré et j’ai ressenti comme le paradis sur terre ». Aujourd’hui, si ses cicatrices continuent encore à la faire souffrir, son cœur est quant à lui entièrement guéri. Elle est, comme elle se plaît à le dire, pleine de gratitude.

En 1996, lors d’une conférence à Washington, Kim rencontre John Plummer, l’homme qui a coordonné l’attaque au napalm de son village. « J’ai appris à pardonner, mais le vrai test qui montrait que mon cœur avait changé a été ce jour-là à Washington. Il pleurait comme un enfant : “Me pardonnez-vous ?”. Je lui ai répondu : “Oui, je vous pardonne, c’est bien pour cela que je suis ici”. Nous nous sommes pris dans les bras et nous avons pleuré. Trois heures plus tard, nous avons échangé plus longtemps à l’hôtel. C’était un vrai soulagement pour chacun de nous et une vraie réconciliation. Aujourd’hui, nous prions l’un pour l’autre ».

Ses cicatrices marquent son corps, telles une mémoire. « Elles me rappellent combien j’ai reçu de bénédictions. Je suis toujours en vie et je peux partager mon histoire alors que tant d’autres enfants sont morts ». Son leitmotiv ? « Nous ne pouvons pas changer l’histoire mais tâchons de promouvoir la paix ». Aujourd’hui ambassadrice de bonne volonté à l’Unesco, elle a créé en 1997 la Kim Phuc Foundation. « C’est un honneur et un privilège de pouvoir aider les gens. Maintenant, je voudrais rendre ce que l’on m’a donné et inviter les autres à se réconcilier ».

Source : Aleteia

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