Réjouissons-nous des progrès phénoménaux de la médecine qui ont, sans conteste, fait chuter le taux de mortalité infantile. Cependant, la tyrannie du risque zéro, ainsi que l’hypermédicalisation de la grossesse et de l’accouchement, n’ont-ils pas dénaturé toutes les mises au monde ? Toutes les grossesses ne sont pas qualifiées « à risques », et pourtant, on assiste, en France, à une uniformisation de l’accouchement, qui doit rentrer dans des normes : de durée, de lieu, de position…
Amandine Martin, sage-femme formée en France, ayant exercé à Madagascar, dans le nord de la France et désormais au Brésil, explique l’évolution de sa pensée et de son approche de l’accouchement, à la lumière des femmes africaines. Ces dernières l’ont littéralement bouleversées, et lui ont ouvert les yeux sur l’aspect naturel et instinctif que peut revêtir un accouchement lorsqu’il n’est pas médicalisé.
« Quitter le systématique pour l’unique »
Amandine Martin part d’un constat très simple : pourquoi est-ce si compliqué aujourd’hui de donner naissance à un enfant, alors que cela devrait être naturel ? Elle souligne ainsi le paradoxe : « Mon corps a naturellement été créé pour donner la vie. Mais justement, en ce qui concerne l’accouchement, on a bien l’impression que depuis quelques années, il y a quelque chose qui cloche : surmédicalisation, déclenchements, pathologies en tous genres, épisiotomies, extractions instrumentales… » Les chiffres confirment cette tendance : aujourd’hui, plus d’une femme sur cinq accouche par césarienne.
Les causes de cette hyper-médicalisation résident essentiellement dans la peur : peur de la mort, peur que l’accouchement se passe mal, peur qu’il dure trop longtemps, peur de porter le poids de la responsabilité d’une naissance… Et, pour Amandine Martin, le corps médical répond à ces peurs, sans tolérer d’exception, au lieu de répondre à la justesse de l’instant. Pourquoi médicaliser autant les accouchements qui se présentent bien et qui ne présentent pas de pathologies particulières ? Selon la sage-femme, « à vouloir médicaliser systématiquement tous les accouchements, on crée aussi des pathologies ». Imposer un rythme, un lieu, une position, n’aide pas à ce que le travail se déroule sereinement. Amandine Martin évoque aussi les néons, les bruits de porte, qui font obstacle au bon déroulement de l’accouchement.
La place de la sage-femme
Bien sûr, les médecins, les sages-femmes sont indispensables lors d’une naissance. Amandine Martin reconnaît que dans nos maternités occidentales, on sauve des vies. Mais elle redéfinit, à la lumière des femmes africaines, la place de la sage-femme. D’après son expérience, notamment auprès des femmes de Madagascar et au Cameroun, le rôle de la sage-femme n’est pas d’être au centre de l’accouchement, mais d’être autour. Pour veiller à ce que tout se passe bien. Être en retrait, et n’agir que si nécessaire, afin de laisser aux femmes la capacité de ressentir elles-mêmes ce qu’elles doivent faire, et de retrouver ainsi leur capacité à enfanter.
Retrouver sa capacité à enfanter
Amandine Martin alerte sur le fait que les femmes sont en train de perdre leur capacité à accoucher. À force de suivi, d’anesthésie, de prise en charge excessive, les femmes ne ressentent plus rien et ne peuvent plus faire confiance à leur instinct ni à leur corps pour donner la vie. Pourtant, la sage-femme est convaincue que chaque femme a dans son corps le secret de l’accouchement. « C’est le corps des femmes qui en a le secret », dit-elle. Les femmes africaines, au moment venu, savent comment respirer, comment se positionner, pour mettre au monde leur bébé. Elles écoutent leur corps, et savent s’abandonner à son mouvement instinctif et naturel.
Pour retrouver leur capacité à enfanter, les femmes sont invitées à avoir pleinement confiance en leur corps, à laisser faire ce que savent faire leur corps et leur bébé, pour reprendre leur place dans la mise au monde de leur enfant. Amandine Martin assure que lorsqu’on peut démédicaliser une naissance, on découvre en soi la puissance incroyable de la vie.
Source : Aleteia
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