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L’examen à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) d’un rapport sur la charia islamique et les droits de l’homme se fait attendre. Introduit en janvier 2016, il était à nouveau à l’ordre du jour le 25 avril 2018 [1] mais a été annulé le jour même.
Depuis deux ans, des stratégies dilatoires sont utilisées pour éviter ce débat, en plein contexte de scandale de corruption impliquant l’Azerbaïdjan, affidé de la Turquie.
Existence d’incompatibilités structurelles entre l’islam et la Convention qui, en ce qui concerne la charia
Le rapport dénonce l’application de la charia dans plusieurs pays, régions et quartiers en Europe. Il dénonce particulièrement la double appartenance de plusieurs États au Conseil de l’Europe et à l’Organisation de la coopération islamique (OCI) ainsi que leur ratification de la Déclaration des droits de l’homme en islam (1990) qui subordonne les droits et libertés « aux dispositions de la Loi islamique », considérée comme « la seule source de référence »[2]. Or, le projet de rapport confirme, à l’instar de la Cour européenne des droits de l’homme[3], « l’existence d’incompatibilités structurelles entre l’islam et la Convention qui, en ce qui concerne la charia, sont parfois absolues et parfois relatives » (Rapport, §29). Parmi ces incompatibilités figurent l’affirmation de la supériorité des hommes sur les femmes, les règles régissant le mariage, les peines inhumaines encourues pour certains crimes, l’absence de liberté de religion, ou encore le statut inférieur des chrétiens et des juifs.
Déclaration du Caire et Convention européenne
Quelles conséquences les États européens doivent-ils tirer de ce constat d’incompatibilité alors même que la charia est « la législation à laquelle tous les musulmans doivent obéir » (Coran, V, 48) ? Comment l’Europe doit-elle agir à l’égard de la Turquie, l’Albanie et l’Azerbaïdjan, signataires à la fois de la Déclaration du Caire et de la Convention européenne ?
C’est probablement pour éviter d’ouvrir ce débat que le rapporteur Antonio Gutierrez reporte la discussion de réunion en réunion. Cette dérobade n’est pas étonnante : le socialiste portugais a été élu rapporteur avec le soutien de députés de la Turquie et de l’Azerbaïdjan[4] en lieu et place du député hollandais Pieter Omtzigt, initiateur du rapport, connu pour être critique envers l’islam. C’est aussi M. Omtzigt qui a initié l’enquête révélant l’implication directe de l’Azerbaïdjan dans un système d’influence et de corruption massive des parlementaires de l’APCE[5]. Le Conseil de l’Europe est aussi sous la pression du gouvernement turc qui non seulement piétine ses valeurs, mais a aussi réduit drastiquement sa contribution au budget de l’organisation, la plongeant dans une crise financière sans précédent.
Dans ce contexte tendu, la Cour européenne des droits de l’homme doit, elle aussi, rendre des jugements importants sur l’application de la Charia dans la région grecque de Thrace occidentale[6],[7] ainsi que sur le droit de critiquer et de caricaturer Mahomet. L’ECLJ est intervenu devant la Cour dans l’une de ces affaires[8].
Nous n’en sommes probablement qu’au début de cette question.
(1) Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, Projet d’ordre du jour, AS/Jur (2018) OJ 03 Rév, 19 avril 2018.
(2) Déclaration des droits de l’homme en islam, document rédigé par l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et adopté au Caire le 5 août 1990.
(3) CEDH, Refah Partisi (Parti de la Prospérité) et autres c. Turquie [GC], n°41340/98, n°41342/98, n°41343/98, et n°41344/98, 13 février 2003.
(4) Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Doc. 13965, 27 janvier 2016 (précité).
(5) Conseil de l’Europe, Rapport du « Groupe d’enquête indépendant concernant les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire », 15 avril 2018 : http://assembly.coe.int/Communication/IBAC/IBAC-GIAC-Rapport-FR.pdf
(6) Conformément au traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923 et entré en vigueur le 6 août 1924.
(7) Requête n°20452/14, Molla Sali c. Grèce, introduite le 5 mars 2014.
(8) Requête n°38450/12, E. S. c. Autriche, 16 décembre 2015.
Source : ECLJ