« À chaque fois qu’un citoyen est agressé en raison de son âge, de son apparence ou de sa confession, c’est toute la République qu’on agresse », a écrit le président de la République sur son compte Twitter.
L’agression d’un garçon de huit ans de confession juive qui portait une kippa à Sarcelles (Val-d’Oise) illustre une nouvelle fois la persistance de l’antisémitisme en France. Selon les derniers chiffres cités par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, les actes antisémites – qui comprennent les actions et les menaces – ont baissé de 7 % au cours des onze premiers mois de 2017.
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En 2016, le repli était plus significatif (– 58,5 %) par rapport à l’année précédente avec 335 plaintes contre 808 en 2015. Par comparaison, les actes antimusulmans ont, eux, diminué de 57,6 % : passant de 429 actes en 2015, à 182 en 2016. Les autres actes racistes ont eux aussi connu une baisse, de 23,7 %, passant de 797 plaintes à 608. En revanche, les atteintes aux sites chrétiens (lieux de culte et sépultures) ont augmenté en 2016 de 17,4 % (949 actes).
Concernant les actes antisémites, ils avaient fortement augmenté dans les années 2000, depuis la seconde Intifada palestinienne, avec des événements dramatiques comme l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006, l’attentat de l’école Ozar Hatorah en 2012 à Toulouse ou encore celui de l’Hyper Cacher, magasin de la porte de Vincennes à Paris, le 9 janvier 2015.
Par ailleurs, un acte raciste sur trois commis en France en 2016 est dirigé contre une personne de confession juive alors que les Juifs représentent moins de 1 % de la population française.
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En 2016, un acte raciste sur trois contre une personne de confession juive
« L’ultra violence et le terrorisme, qui ciblent les Juifs en France, éclipsent souvent l’antisémitisme “du quotidien” », est-il souligné dans le rapport 2016 sur l’antisémitisme du Service de Protection de la Communauté Juive. De très nombreuses victimes d’agressions verbales ou de violences légères antisémites ne déposent plus plainte. Elles cèdent à une habituation ou à une banalisation. Le curseur de l’antisémitisme est allé si loin dans la terreur que les « “signaux plus faibles” ne sont plus dénoncés ; alors que leur gravité et conséquences désastreuses restent entières. »
Plus difficilement chiffrable, les actes antisémites entraînent un déplacement intérieur de familles françaises de confession juive. En Île-de-France, certaines déménagent, quittant notamment la Seine-Saint-Denis, vers des quartiers réputés plus tranquilles, dans le 17e arrondissement de Paris par exemple ou Sarcelles. Le phénomène est notamment décrit dans l’ouvrage de Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach, intitulé L’An prochain à Jérusalem, se basant sur des données provenant d’associations juives, notamment le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme. Ainsi, ces dernières années, à Aulnay-sous-Bois, le nombre de familles de confession juive serait ainsi passé de 600 à 100 et de 400 à 80 à Clichy-sous-Bois.
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Baisse du nombre de juifs de France qui émigrent en Israël
Ce déplacement, parfois comparé à une « alya intérieur », résonne avec la véritable alya – mot qui signifie « montée » en hébreu – vers Israël. Cette émigration s’explique par des raisons religieuses et économiques, mais aussi par l’augmentation des agressions antisémites en France.
En 2015, le nombre de départs avait connu un record (7 900), confirmant déjà une hausse en 2014 (7 231). En 2016, en revanche, le nombre de juifs de France qui ont fait leur alya a connu une forte baisse – environ 5 000 – un chiffre toujours nettement supérieur au niveau de la décennie 2000. Pour l’année 2017, un peu plus de 3 000 Français de confession juive ont émigré en Israël.
Arnaud Bevilac