« Par souci de vérité, nous avons toujours veillé à tenir les enfants informés de la progression de la maladie de leur père. Toute la famille avançait ainsi au même rythme », confie Élisabeth, dont le mari, Damien, est mort à 44 ans, d’un cancer découvert un an et demi plus tôt. « Lorsque nous avons fait le choix d’en parler – sans tout leur dire bien sûr –, cela était une évidence pour nous. Mais je ne réalisais pas à quel point nous préparions aussi l’avenir et mettions de leurs côtés les bases d’une bonne résilience. » Ce couple engagé dans la foi a trouvé en Dieu la force et le courage de traverser l’épreuve de la maladie, en accompagnant les siens.
L’enfant n’ose pas poser de questions
« Pour de nombreux adultes, néanmoins, il est compliqué de parler de la maladie et de la fin de vie », observe Camille Baussant-Crenn, psychologue clinicienne à la Fondation œuvre de la Croix Saint-Simon. « Parfois eux-mêmes en difficulté par rapport à ces questions, ils se sentent démunis pour les aborder avec leurs enfants. Ils ont peur de prononcer certains mots, par crainte de les angoisser, de les traumatiser, de leur faire de la peine », observe-t-elle.
Alors, pour les protéger, les parents banalisent la situation (Papy est seulement « malade »), utilisent des métaphores (« Papy est parti »). Mais si l’enfant voit son grand-père de plus en plus alité, relié à une perfusion, pris en charge par une aide-soignante, il va forcément s’inquiéter.
Comme il sent les « grands » mal à l’aise avec la parole, l’enfant n’ose pas poser de questions. En respectant le non-dit familial, lui aussi protège, à sa façon, ses parents. Qu’il fasse le pitre ou qu’il soit sage comme une image, l’enfant reste seul avec ses interrogations, au risque de laisser galoper son imagination. À l’âge de la toute-puissance et de la pensée magique, entre 3 et 5 ans, il peut s’imaginer responsable de la mort d’un membre de sa famille…
Vivre et partager l’épreuve en famille
Pour l’enfant, la fin de vie et la mort d’un proche sont encore plus difficiles à appréhender que pour un adulte. « L’enfant est plus vulnérable, moins autonome, il a moins de ressources pour cheminer sur le plan psychique », précise Camille Baussant-Crenn. D’où l’importance de nommer ce qui arrive pour aider à donner du sens. L’enfant ne doit pas être tenu à l’écart de l’inquiétude familiale. « Il a besoin d’être reconnu dans ce qu’il vit personnellement et en tant que membre de la famille à part entière », ajoute Cécile Séjourné, psychologue et psychothérapeute.
Vivre et partager l’épreuve en famille tout en permettant à chacun de cheminer individuellement : nombre d’adultes ont besoin d’être accompagnés pour tenir cet équilibre. « Plus le parent se sent soutenu, plus il est à même d’accompagner son enfant. Du coup, en soutenant le parent, on accompagne l’enfant », souligne Camille Baussant-Crenn, convaincue que « cette mise en mots prévient les complications liées au deuil ».
Expliquer la situation avec des mots concrets
Préparer l’enfant consiste à expliquer la situation avec des mots adaptés son âge. « Plus il est jeune, plus il faut être concret, recommande la psychologue. Lui dire que son parent ou grand-parent est soigné, que les médecins font tout leur possible mais commencent à s’inquiéter, que la maladie progresse et qu’il peut être amené à mourir. »
L’adulte n’a pas à cacher sa tristesse. S’il montre ses émotions, l’enfant peut s’autoriser à s’exprimer, à pleurer. Camille Baussant-Crenn évoque le cas d’une maman qui, ayant réussi à parler de la grave maladie de sa propre mère, a permis à ses fillettes d’avoir une autre relation avec leur grand-mère, qu’elles ont pu accompagner jusqu’à la fin.
Les enfants ont une relation simple et spontanée
Lorsque la famille est confrontée à la perte d’un proche, les adultes doivent veiller à communiquer, à ne rien interdire, à proposer en expliquant, puis à laisser le choix sans forcer. Proposer d’accompagner l’enfant à l’hôpital en décrivant sans dramatiser l’environnement et l’état du malade.
« Quand ils sont prévenus, les enfants voient au-delà de l’aspect physique. Ils ont une relation simple et spontanée. Ils peuvent embrasser, câliner, faire la lecture, apporter un dessin… En cela, ils donnent l’exemple aux adultes, souvent freinés par des barrières psychologiques », observe Cécile Séjourné.
Le dialogue compliqué avec un adolescent
Lorsque la personne aimée est mourante, l’enfant doit avoir la possibilité d’aller lui dire « au revoir ». Puis celle de se recueillir devant le corps du défunt. « Souvent dissimulée au regard des plus jeunes, voir le corps peut néanmoins aider à réaliser la mort de la personne et favoriser le deuil », estime Camille Baussant-Crenn.
Ensuite, il est important de ne pas exclure l’enfant des obsèques. On lui propose d’y assister en lui expliquant les différentes étapes. En général, les petits participent volontiers aux rituels. S’ils ne souhaitent pas être présents, on peut les inciter à préparer la cérémonie. Le dialogue est parfois plus compliqué avec un adolescent. « Son comportement ambivalent, mutique, peut être pris pour de l’indifférence, alors qu’il cache en fait une grande pudeur », relève Cécile Séjourné. « Si l’ado refuse tout, mieux vaut respecter son choix et lui dire qu’il peut changer d’avis à tout moment. »
Laisser le deuil se faire ne signifie pas oublier
Quel que soit son âge, l’enfant bien accompagné durant la perte d’un être cher fait l’expérience qu’il n’est pas seul. Il sait … Lire la suite
Source : La Croix