Il fait la pluie et le beau temps (mais surtout le beau) depuis son élection à la présidence de la République ; n’hésite pas à tenir tête à celle, blonde, de Donald Trump ; badine, complice, avec le Premier ministre canadien Justin Trudeau et ose balader Vladimir Poutine dans les jardins des rois à Versailles. Emmanuel Macron est déjà aussi grand que son nom. Un « macro » au pays des « micro ».
Il n’y a pas à dire, il est fort notre président. Tellement fort que la terre semble avoir trouvé son nouveau soleil. « Macronmania : Poutine ? Même pas peur !», titrait encore avec gouaille début juin L’Express. Macron irradie littéralement le paysage politique français. Impossible de ne pas entendre son nom dans les discussions. Il plane. Et on blague à peine. La déification et la mythification de notre chef d’État se sont opérées.
Comme s’il était descendu du ciel – un messie venu pour sauver la France en peine – Emmanuel Macron a désormais son propre lexique religieux. « Sauveur », « thaumaturge », « marcher sur l’eau »… Les rédactions rivalisent de mots et expressions pour décrire son ascension. Ascension, mot soit dit en passant qui remonte à la fin du XIIIe siècle avec la « montée miraculeuse de Jésus-Christ au ciel ». Porteur de la bonne parole, Emmanuel Macron fait office de dieu parmi les hommes. Un imaginaire qui transparaît dans son association mythologique à la figure de Jupiter mais aussi, à celle solaire d’un roi.
Le Figaro analyse ces éléments de langage qui traduisent textuellement cette irrésistible fascination pour la stature présidentielle.
Un messie et un sauveur sachant marcher sur l’eau
Le Spiegel en février et Mediapart en mai dernier. Le terme «messie» a fait une entrée remarquée dans la presse pour désigner le nouveau président Emmanuel Macron. Un mot surprenant, qui trouve ses racines dans le lexique religieux.
Emprunté au latin chrétien messias et à l’araméen, lui-même dérivé de l’hébreu biblique masah « oindre », le messie désigne à l’origine, dans l’Ancien Testament, « tous ceux qui sont investis d’une mission divine, confirmée par une onction ». De nos jours, il s’emploie pour parler de « Celui qui, en vertu de la promesse de Dieu renouvelée par les prophètes de l’Ancien Testament, est attendu par le peuple juif comme le libérateur qui instaurera le Royaume de Dieu. » Outre cette acception, rappelons que le messie est aussi une « personne providentielle dont on attend la venue ; personne qui se croit investie d’une mission exceptionnelle. »
Dans le même registre, on retrouve le mot « sauveur ». Rappelons toutefois que le mot désigne dans le vocabulaire religieux la personne de Jésus-Christ (ou par extension Dieu) et qu’il qualifie « celui qui a sauvé les hommes ». Celui qui donc est parvenu au terme de sa mission.
Enfin, et pour clore ce court glossaire religieux, revenons un instant sur la formule un tantinet moqueuse de The Economist qui a récemment présenté Emmanuel Macron en train de « marcher sur l’eau ». L’expression – qui n’en est pas une à l’origine – fait en réalité référence à l’un des miracles accompli par Jésus, un épisode biblique figurant entre autres dans l’Évangile selon saint Jean ou saint Marc. Une manière sous-jacente de nous indiquer que notre président est probablement un sur-homme et qu’il peut ainsi réaliser, à l’instar du fils de Dieu, des prodiges.
Jupitérien ou le roi des Dieux
Emmanuel Macron se veut « jupitérien ». Mais que signifie donc l’adjectif ? Ouvrons le thésaurus. Comme son nom l’indique, il dérive de la mythologie et du patronyme de Zeus ou Jupiter en latin. Mais attention ! Il ne s’agit pas de n’importe quel dieu, Jupiter est le roi des dieux.
Son nom évoque non seulement la puissance mais la suprématie. Dans le cadre du sujet qui nous occupe, l’adjectif jupitérien caractérise une personnalité « impérieuse et dominatrice », indique le Petit Robert. Il qualifie un monarque républicain. Le terme jupitérien est donc un qualificatif…
Monarque et Imperator
… qui n’est pas sans faire écho au lexique de la monarchie. Système pour lequel Emmanuel Macron n’a jamais caché sa fascination. En 2015, l’ancien ministre du gouvernement Hollande expliquait ainsi, lors d’un entretien accordé à Le 1 Hebdo, que « la démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même » et de poursuivre « dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort ».
Un mot donc, qui porte tout son sens. Mais que signifie « monarque »? Emprunté au grec monarchos et formé sur les mots monos « seul » et archos « celui qui guide, commande », le «monarque» signifie littéralement « chef unique ». Attesté depuis le XIIe siècle et autrefois employé pour désigner nos souverains poncifs, il signifie aujourd’hui « personne qui est à la tête de l’État dans une monarchie ».
Qu’en est-il de l’imperator parfois repris dans la presse pour qualifier notre président ? Selon le CNRTL, le mot renvoie à deux réalités selon que l’on se place sous l’angle d’une République ou celui d’un Empire. Pour le premier de ces deux systèmes, l‘imperator est un « titre qui était décerné à un général victorieux et qui évoquait souvent l’imperium lié à la magistrature qu’il détenait » et « un général victorieux ayant reçu ce titre ». Concernant l’Empire, l’imperator désigne « un des titres que prirent presque tous les empereurs et qui devint un des éléments de leur nom ».
Le Roi est mort, vive le Roi…
Source : Le Figaro