Peut-on enseigner la Bible à l’école ? La question se pose après qu’un instituteur de l’Indre a été sanctionné vendredi 2 juin. Il lui est reproché « d’avoir passé la mesure dans l’étude du fait religieux », a affirmé la direction académique de sa région à l’AFP.
L’enseignant, qui était en poste en classes de CM1-CM2, dans une école regroupant des élèves de plusieurs communes de l’Indre, a annoncé son intention de faire appel de cette « sanction » auprès du tribunal administratif de Limoges. « C’est une décision sans fondement qui procède de considérations idéologiques », a estimé son avocat, Me Jean-Raphaël Mongis.
Suspension
L’instituteur avait été suspendu fin février après un courrier à l’inspection académique adressé par un collectif de parents. Ceux-ci lui reprochaient d’avoir travaillé avec les enfants sur des passages de la Bible. D’autres parents s’étaient élevés en revanche contre la décision de l’administration de suspendre le maître d’école.
Pour le directeur académique de l’Indre, Pierre-François Gachet, « il n’est pas reproché (à l’enseignant) d’avoir utilisé des textes religieux mais d’avoir dépassé la mesure de ce qui était nécessaire dans le cadre de l’étude du fait religieux ».
Que disent les programmes ?
Que disent les programmes en la matière ? En réalité, les instructions du ministère de l’éducation nationale, si elles définissent les objectifs, ne donnent pas d’indications sur les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.
En 2005, un rapport annexé à la loi d’orientation pour l’avenir de l’école soulignait déjà l’importance de cet enseignement dans les disciplines : « Il convient dans le respect de la liberté de conscience et des principes de laïcité et de neutralité du service public, d’organiser dans l’enseignement public la transmission de connaissances et de références sur le fait religieux et son histoire ».
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« Identifier des personnages mythologiques ou religieux »
Actuellement, les programmes scolaires du « cycle 3 », qui regroupe le CM1, le CM2 et la 6e, définissent un certain nombre d’objectifs en « culture littéraire et artistique » pour les CM1 et CM2. Durant ces deux ans, les élèves doivent ainsi avoir abordé des items comme « imaginer, dire, célébrer le monde », « se découvrir, s’affirmer dans le rapport aux autres », ou encore « la morale en question ». Pour l’item, « se confronter au merveilleux, à l’étrange », le programme recommande par exemple d’étudier « des contes et légendes mythologiques ».
L’enseignement du fait religieux est clairement mentionné. À la fin de la 6e, les élèves doivent pouvoir « identifier des personnages mythologiques ou religieux »dans une œuvre d’art, ou encore être capables de « mettre en relation un texte connu (récit, fable, poésie, texte religieux ou mythologique) et plusieurs de ses illustrations ou transpositions visuelles, musicales, scéniques, chorégraphiques ou filmiques, issues de diverses époques, en soulignant le propre du langage de chacune. »
« Les récits mythiques et bibliques »
En histoire, il est précisé que « les élèves ont l’occasion de confronter, à plusieurs reprises, faits historiques et croyances » afin de mieux pouvoir « distinguer histoire et fiction (…) en raison de l’importance qui y est accordée à l’histoire des faits religieux ». « L’étude des faits religieux ancre systématiquement ces faits dans leurs contextes culturel et géopolitique », peut-on encore lire dans le programme.
Ainsi, les élèves de CM1 aborderont en histoire la religion chrétienne parmi « les apports de la romanité ». En 6e, dans le cadre de l’étude de « la longue histoire de l’humanité et des migrations » (qui correspond aux « débuts de l’humanité » et au néolithique), ils se pencheront sur « des récits sur les origines du monde et de l’humanité proposés par les religions monothéistes » avant d’entreprendre « une étude croisée de faits religieux, replacés dans leurs contextes culturels et géopolitiques » en abordant Rome, Athènes et « la naissance du monothéisme juif dans un monde polythéiste ». C’est précisément dans ce cadre que les élèves peuvent aborder « les récits mythiques et bibliques ».
En français, le programme suggère également aux enseignants de 6e de faire travailler leurs élèves sur « un extrait long de la Genèse dans la Bible (lecture intégrale) » à comparer avec « des extraits significatifs de plusieurs des grands récits de création d’autres cultures ».
« Obligation de laïcité et de neutralité »
Lors de l’ouverture de l’enquête administrative en mars, le directeur académique de l’Indre avait insisté sur « les obligations de laïcité et neutralité des programmes scolaires de l’école publique ». Il avait affirmé qu’il était nécessaire « de déterminer si (des) enseignements avec des références religieuses catholiques sont conformes au programme scolaire ».
« Selon les calculs de l’administration elle-même, l’enseignant n’a consacré que six heures à l’étude de textes bibliques entre la rentrée de septembre et sa suspension fin février, ce qui ne paraît pas disproportionné », fait pour sa part valoir l’avocat de l’enseignant.
François Broggi, le maire de Badecon-le-Pin, l’une des communes dont les enfants sont scolarisés dans l’école de l’instituteur mis en cause avait estimé que « cela méritait tout au plus un avertissement ». Il avait qualifié l’enseignant d’« excellent maître d’école ».