Jean Mercier 88 ans, avait été relaxé le 10 novembre dernier au terme d’un procès en appel concernant son aide apportée au suicide de sa femme, cinq ans jour pour jour auparavant. Le Parquet général de Lyon s’est pourvu en cassation, le 16 novembre, contre l’arrêt de la Cour d’appel, et entend obtenir une condamnation de principe. Cette affaire voit de nombreux médias embrasser les arguments de la défense et présenter le cas sous un jour favorable.
Les faits remontent au 10 novembre 2011, quand Jean Mercier apporte les médicaments et le verre d’eau nécessaires pour que sa femme puisse se supprimer. Josanne, 83 ans, souffre d’arthrose lombaire et est dépressive, le couple milite en faveur du suicide assisté, et le mari est dominé par son épouse. Il sera soutenu par les partisans de l’euthanasie dont l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), auteur d’un lobbying pour que soit changée la loi.
Le 27 octobre 2015, l’octogénaire est condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Étienne à un an de prison avec sursis pour non-assistance à personne en danger. Il s’agit là d’une peine symbolique, la justice rechignant à le condamner, mais estimant qu’elle doit tout de même poser le principe de l’interdiction d’aider une personne à se suicider. Jean Mercier déclare que la justice ne peut pas le « condamner trop lourdement parce que ça ferait peut-être trop de bruit », et ajoute : « Je ne changerai pas un iota de ce que j’ai fait. Si je n’avais pas fait ce que j’ai fait, j’aurais eu honte. » Avec son avocat, il décide de faire appel pour que soit effacée cette peine surtout symbolique. L’ADMD critique alors le jugement au motif que Jean Mercier, ayant agi par amour, aurait dû être relaxé, et le présente comme une victime de la loi française.
En appel, l’homme est relaxé et déclare que cela lui « fait plus que plaisir » ; il est convaincu de n’avoir rien à se reprocher. Comme en première instance, le parquet avait requis une peine de principe d’un an de prison avec sursis. L’avocat général a donc décidé de se pourvoir en cassation auprès de la plus haute juridiction en matière criminelle dans la hiérarchie des voies recours françaises.
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Un prétendu droit de ne pas aider par amour une personne en danger à rester en vie
Le traitement médiatique de cette affaire, avec un pesage soigneux des mots pour qualifier avec une grande bienveillance l’acte de Jean Mercier, se distingue aussi par le déséquilibre d’une narration qui rapporte volontiers les propos de la défense ou de l’ADMD, sans s’intéresser à ceux du ministère public. Ainsi, parmi bien d’autres, l’article de LCI du 16 novembre quant à ce pourvoi, le présente comme un rabat-joie, et ne mentionne que les arguments du justiciable et ceux de son avocat, même fallacieux. Après une introduction annonçant le choix de la rédaction – « Il fallait l’entendre, le 10 novembre, quelques minutes après la décision de la Cour d’appel de Lyon […] Il était fou de joie, il n’en croyait pas ses oreilles. -, la parole est donnée à la défense pour qui le pourvoi méconnaît » bon sens juridique », car il serait « incohérent et indécent » de « poursuivre un homme de cet âge, avec l’état de santé qu’on lui connaît ». D’explicitation quant à l’accusation d’incohérence juridique, il n’y en a point, seuls comptent les effets de manche. Les motifs du pourvoi ne sont pas recherchés, qui montreraient que le bon sens juridique, c’est de poser une décision de principe, quel que soit la situation du justiciable, pour dire que la loi interdisant l’assistance au suicide doit être respectée, tout en modulant la peine en fonction de la situation.
La décision de relaxe et le traitement de cette actualité par les médias illustrent le changement de paradigme en matière de perception du meurtre ou de l’aide au suicide. La prise en compte de circonstances atténuantes permet de justifier un acte illégal, par exemple le meurtre dans le cas de la légitime défense, mais la préméditation est considérée comme une circonstance aggravante. Le Parquet a tenu à obtenir une décision de principe n’affectant pas réellement la vie quotidienne de Jean Mercier tout en réaffirmant l’interdit du meurtre. En avril 2008, une femme jugée pour le meurtre de sa fille lourdement handicapée avait été applaudie par le jury de la Cour suite à son acquittement. Les circonstances très pénibles dans lesquelles elle avait commis l’irréparable justifiaient-elles d’ajouter une telle salve à la relaxe ? La question se repose avec le traitement inéquitable des médias dans l’affaire Mercier.
Hans-Søren Dag
Source : Info Chrétienne
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