L’école à l’épreuve du créationnisme

Le 7 mars 2016

« L’évolution du vivant est-il un enseignement à risque » dans les écoles de la République française ? La question qui mobilisait les pédagogues comme Maryline Coquidé et les chercheurs comme Guillaume Lecointre ou Pascal Picq dès 2008, notamment après l’envoi de luxueux manuels créationnistes dans nos établissements scolaires par le gourou turc Harun Yahya, reste d’une brûlante actualité. Certes, la communauté intellectuelle et éducative a, depuis, fourni des outils pédagogiques et des manuels remarquables aux professeurs confrontés à une résistance politico-religieuse de la part de certains de leurs élèves musulmans, chrétiens ou juifs. Mais cette dernière persiste… tout comme le désarroi, l’indifférence ou la complaisance de certains enseignants.
« Hasard du calendrier, au lendemain des attentats du 7 janvier 2015, j’ai animé une conférence pour l’académie de Créteil, témoigne le biologiste Olivier Brosseau, auteur d’enquêtes fouillées sur les créationnismes en Europe. Certains des tout jeunes enseignants n’avaient jamais entendu parler du problème et deux autres m’ont interpellé, trouvant mon approche « agressive » – une première ! Ils ont défendu le « soft overlap », une doctrine qui plaide pour un recouvrement, un concordisme entre sciences et religion. »

« Monsieur, j’ai compris mais jamais je n’en parlerai à la maison »

L’historien des sciences, Cédric Grimoult, quant à lui, appelle les professeurs à ne pas démissionner, même face aux élèves les plus remontés. « Le créationnisme et ses “avatars plus doux” ne sont ni des théories scientifiques, ni une affaire de foi, ni même une question de religion, ce qui est rarement compris par le grand public, insiste cet historien qui a écrit ‘un livre de combat’ sur le sujet. Il s’agit d’une entreprise politique de conquête du pouvoir par des extrémistes fondamentalistes et leurs complices objectifs ou manipulés, qui vise à supprimer la laïcité et instaurer une théocratie, un gouvernement dirigé par les religieux. »

« DÉCHIREMENT ». Enseignant en khâgne à Montreuil (Seine-Saint-Denis), il s’emploie patiemment à évoquer l’histoire des idées et de l’évolution et à amener ses élèves à mobiliser leur esprit critique et leurs connaissances scientifiques face aux « vérités enseignées par les trois religions du livre ». « C’est un déchirement pour nombre d’entre eux, principalement issus de milieux modestes et de la communauté musulmane, raconte-t-il. J’ai le souvenir d’un élève musulman français ou d’une évangélique d’origine péruvienne me disant : ‘Monsieur, j’ai compris, mais jamais je n’en parlerai à la maison’. » Il reconnaît avoir du temps, des classes n’excédant pas trente élèves, ce qui facilite un travail rationnel en douceur et profondeur. Mais regrette des échecs, comme avec une jeune femme voilée qui a abandonné son établissement pour une école privée à caractère confessionnel.

Des quelques témoignages que Sciences et Avenir a pu recueillir, il semble que les élèves musulmans soient les plus décidés à s’opposer publiquement à leurs professeurs, par défiance envers l’école et par envie d’affirmer leur identité dans une France qu’ils jugent raciste envers sa composante musulmane. Les élèves chrétiens, surtout les protestants évangéliques et pentecôtistes, immigrés américains et africains, seraient moins démonstratifs, mais, souvent, n’en resteraient pas moins imperméables à l’enseignement de l’évolution. Quant aux écoles privées confessionnelles – notamment juives – même sous contrat avec l’État, elles éviteraient « pudiquement » tout ce qui touche à l’évolution comme à la sexualité dans les cours de sciences de la vie et de la Terre.

Extrait du hors-série 184 de Sciences et Avenir « Dieu et la science », daté janvier/février 2016.

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