Laïcité dévoyée

Le 27 novembre 2015

Au mois de mai 2015, le député-maire de Neuilly, Jean-Christophe Fromantin, a donné une conférence à l’église Saint-Pierre, la paroisse de sa commune. Son sujet : « La joie de l’Évangile ». Franck Keller, un conseiller municipal UMP, a trouvé « terriblement choquant de voir un élu de la République faire des sermons religieux dans des lieux de culte » et a dénoncé une atteinte à la laïcité : « C’est un mélange des genres très contestable qui porte atteinte à la laïcité », a-t-il déclaré au journal Métronews. Ce conseiller municipal aurait-il oublié l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ».

On se souvient d’ailleurs de la décision du tribunal administratif de Nantes, en décembre 2014, qui avait obligé le Conseil Général de Vendée à retirer une crèche de Noël exposée dans le hall d’entrée après une contestation de Jean Regourd, le président de la fédération de la Libre Pensée de Vendée : « il s’agit d’une crèche de la nativité, donc c’est un emblème religieux, d’une religion particulière. Elle ne respecte pas ce que doit être la neutralité des bâtiments publics, de l’État donc, et ne respecte pas la liberté de conscience d’un citoyen qui, rentrant au conseil général, se voit Libre de le dire au travailquasiment imposer un emblème religieux et caractérisé comme tel. » Le président du conseil général avait d’ailleurs fait appel, ce qui avait suspendu la décision du tribunal administratif : « Le Conseil général considère en effet qu’il n’a absolument pas contrevenu au principe de laïcité, car la crèche fait partie depuis des siècles des traditions populaires et de l’imaginaire des Français, avait expliqué Bruno Retailleau, président du Conseil général. Le débat qui agite notre pays montre d’ailleurs à quel point le laïcisme intégriste pervertit l’esprit de la laïcité à la française. La laïcité a été inventée pour assurer la concorde entre les français, pas pour les diviser dans des querelles d’un autre temps « . Le recours du Conseil Général a été suspensif de la décision du tribunal administratif.

De même, le 1er avril dernier, la RATP avait retiré une affiche promotionnelle des murs du métro parisien portant l’inscription « au bénéfice des chrétiens d’Orient », au nom du « principe de neutralité du service public ». La société de transport en commun a finalement fait marche arrière, le 6 avril, après que de nombreux usagers et personnalités politiques se sont indignés de cette décision.

Laicité 2« Pour trop de gens, la laïcité est devenue une annexe d’un principe de neutralité. C’est faux ! Dans la laïcité, la neutralité est un instrument de l’Etat au service de la liberté de conscience, contre toute discrimination. Cette absolutisation du principe de neutralité rabougrit le principe de laïcité, l’appauvrit et mène à un contresens » a déclaré avec raison Jean Baubérot[1] dans une interview accordée à France TV info, en précisant que « la laïcité, ce n’est pas supprimer toute référence au religieux dans l’espace public. La loi de 1905 doit pouvoir protéger des cas de discrimination religieuse. Les mots « chrétien », « musulman » ou « juif » ne doivent pas devenir des tabous. Ce n’est pas parce que les chrétiens d’Orient sont des victimes à cause de leur croyance religieuse qu’ils perdent leur statut de victimes. Ils ont le droit de bénéficier d’une campagne de soutien financier dans le métro, au même titre qu’après une catastrophe naturelle, par exemple. »[2]

La laïcité est à la fois une modalité et un principe d’organisation de la puissance publique qui doit garantir au mieux l’intérêt général, ainsi que la liberté de conscience, d’opinion et de religion.

Le mot « laïcité » a une double origine.
Il faut remonter aux textes bibliques rédigés en grec pour en trouver la première trace. Le mot « laos » désignait le peuple en le distinguant des prêtres. Plus tard, à l’intérieur de l’église catholique, « laïcus », « laïque » désignera, en opposition à « clerc », toute personne qui n’est ni dans l’Église ni dans les ordres. C’est en 1871 que le mot « laïcité » apparaît semble-t-il dans la langue française : le lexicographe Émile Littré le recense dans une citation tirée du journal La Patrie.
Ce bref rappel permet de recentrer la signification de la laïcité à la fois en direction « du peuple » – elle doit être au service des individus et de leur vie en société – mais aussi en direction de l’indépendance et de la liberté de l’Etat à l’égard de toute religion ou idéologie qui voudrait imposer son hégémonie, y compris celle d’une pseudo « laïcité » qui viendrait s’autoproclamer « seule religion d’Etat ».


[1] Jean Baubérot est chercheur au Groupe sociétés, religions, laïcités du CNRS, auteur de l’essai Les 7 laïcités françaises (Editions de la Maison des sciences de l’homme).
[2] Cf. http://cpdh.org/index.php/vie-de-la-cite/laicite-et-liberte-religieuse/item/1386-la-france-va-t-elle-trop-loin-avec-la-laicite.
Source : CPDH
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