Blasphème, apostasie et takfirisme :
3 notions aux conséquences désastreuses
Les auteurs des massacres au siège du journal Charlie Hebdo et dans l’hypermarché casher début janvier à Paris avaient une mission : défendre l’honneur d’Allah et de Mahomet, son prophète. Ils ont agi selon cette conviction que tout blasphème contre Allah et/ou Mahomet doit être puni. D’où vient cette conviction ? Dans les pays et régions à majorité musulmane, la notion de blasphème est intimement liée à celle d’apostasie (en l’occurrence, quitter l’islam pour le christianisme) et de takfirisme (le fait de qualifier quelqu’un de kafir ou d’infidèle). Les deux termes (blasphème et apostasie) sont d’ailleurs souvent utilisés ensemble. Par exemple, les chrétiens d’origine musulmane sont souvent accusés de blasphème, un prétexte pour les condamner d’avoir quitté l’islam. Ils deviennent alors des apostats infidèles accusés de blasphème. L’extrémisme islamique(1) est un important mécanisme de persécution qui utilise toutes ces accusations (apostasie, blasphème et takfirisme) et qui est une source de grande souffrance pour les chrétiens dans les pays et régions à majorité musulmane.
Apostasie : vise ceux qui quittent une religion dominante pour le christianisme, c’est encore plus vrai quand la religion en question s’est radicalisée. (2)
Blasphème : vise l’activité chrétienne dans le domaine public. Le simple fait de parler de sa croyance est considéré comme un blasphème. Cela touche aussi tous les projets de développement socio-économiques portés par des chrétiens.
Takfirisme : vise l’identité de tous les chrétiens. Le seul fait d’être chrétien suffit à devenir une cible pour les persécuteurs. C’est là que s’exprime le takfirisme.(3)
Au fil des années, on remarque que la violence à l’égard des chrétiens persécutés et des églises est presque toujours liée à des accusations de blasphème. Il peut s’agir d’attaques dirigées contre une communauté entière comme c’est le cas dans le nord du Nigeria et au Pakistan. Ces attaques peuvent être perpétrées par des mouvements fanatiques comme Boko Haram, Al-Qaïda et l’organisation Etat Islamique, ou des foules, excitées par des imams locaux, sans compter les attaques perpétrées contre les nouveaux convertis par leur famille. Ces derniers mois, un des cas les plus terribles a été celui de Shama Bibi et de Sajjad Maseeh, un couple de chrétiens parents de 4 enfants, qui ont été immolés (en novembre 2014) par une foule au Pakistan à la suite de fausses accusations de blasphème. Shama était alors enceinte de 4 mois. (4) Sajjad et sa femme Shama étaient des chrétiens très pauvres qui travaillaient dur pour nourrir leurs enfants dans l’espoir de leur donner un meilleur avenir. Tout comme les employés de Charlie hebdo, ils ont été victimes de la notion de blasphème.
Références
1 L’extrémisme islamique est le principal mécanisme de persécution contre les chrétiens dans le monde.
2 La question de l‘apostasie n’est pas propre à l’islam, elle concerne aussi l’hindouisme, le bouddhisme et l’animisme, ainsi que, dans une moindre mesure, les dissidents ou les réformistes des Eglises chrétiennes dites historiques. Ce qui est remis en cause c’est la liberté pour chacun de changer de croyance. Or cela est un droit mentionné dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
3 Le takfirisme est une doctrine de l’islam qui qualifie les autres d’infidèles. En général, ce qualificatif désigne les musulmans non sunnites (plus de 80% des musulmans du monde sont sunnites, ils maintiennent que leurs croyances religieuses, leur compréhension historique et leur pratique sont plus justes que celles des autres notamment des chiites). Cependant, les « apostats » sont aussi qualifiés de Kafir, à savoir ceux qui se sont dissociés de leurs origines musulmanes et qui ne se considèrent plus musulmans (souvent, ils ont adopté le christianisme ou une autre religion).
4 Sajjad Maseeh, 27 ans et sa femme Shama Bibi, 24 ans, ont été attaqués par au moins 1200 personnes à la suite de rumeurs prétendant qu’ils avaient brûlé des versets du Coran, le porte-parole de la famille, Javed Maseeh a expliqué qu’ « on leur avait d’abord cassé les jambes, c’est pourquoi ils n’ont pas pu s’enfuir. » On ne sait toujours pas si le couple avait oui ou non brûlé un Coran.
Source : Portes Ouvertes