Le Dr Denis Mukwege, Nobel de la paix 2018, un engagement à la suite de Jésus-Christ

Le 5 octobre 2018

Le Dr Denis Mukwege s’est confié en novembre dernier à Serge Carrel, alors qu’il était de passage à Genève. Dans cette interview TV (voir à la fin de cet article) et écrite, il raconte son parcours de foi et le rôle que Jésus-Christ joue dans sa vie au secours des plus faibles.

Que représente la foi chrétienne pour vous ?

Je suis né dans une famille chrétienne. J’ai donc bénéficié d’une éducation chrétienne, mais ce n’est pas à cause de cette éducation que je suis ce que je suis. J’ai fait personnellement une expérience avec le Christ, et j’ai la conviction que je suis sur le bon chemin.

Ce qui est intéressant dans votre livre (1), c’est que vous parlez d’une expérience spirituelle que vous avez faite à l’âge de 13 ans… Quelle est-elle ?

Lorsqu’on naît dans une famille chrétienne, on suit ses parents, mais cela n’est pas suffisant. A 13 ans, j’ai fait une expérience qui a transformé ma vie : une rencontre personnelle avec Jésus. Je me trouvais dans un petit groupe de prière et j’ai vraiment senti pour la première fois l’amour de Dieu pour moi. J’ai pleuré et je ne peux pas expliquer pourquoi. Je coulais du nez. J’étais dans une joie que je ne pouvais pas expliquer.

Dans votre livre, vous dites même que « l’Esprit s’empara de vous ». Que faut-il comprendre par là ?

Lorsque vous expérimentez l’amour de Dieu envers vous, vous avez des difficultés sur le plan du langage à expliquer ce qui vous arrive, alors même que ceux qui se trouvent autour de vous pensent que, par votre langage et par votre comportement, vous avec changé. Je me rendais compte à quel point je ne méritais pas cet amour de Dieu. Il y avait une grâce particulière qui me mettait dans un état hors de celui qui est le mien habituellement. Depuis ce jour-là, j’ai une conviction : « Tout ce que je fais, je le fais pour la gloire de celui qui me donne la vie, qui me fait la grâce de le connaître. » Dans ma vie de médecin et de pasteur, mon thème principal, c’est l’amour. C’est vraiment ce que j’ai senti au moment de cette expérience spirituelle forte : je suis aimé par Dieu dans une profondeur que l’on ne peut pas expliquer humainement. A cause de cet amour, je repose constamment entre les mains sures du Seigneur.

Votre papa était pasteur…

Oui. Il me fallait donc faire un effort pour aller à l’Eglise. Quand, en même temps que le culte, il y avait un match de football, le choix était vite fait : j’allais au match. Je savais que mes parents seraient mécontents de cette décision, mais je préférais aller au match. J’avais toujours une explication en réserve à leur donner : « C’est untel qui a prêché… » Mais l’expérience spirituelle qui m’a marqué, a changé les choses ! Aller au culte n’était plus une expérience que j’étais forcé de faire, mais c’était un besoin. Dieu était devenu un refuge, ma vie dépendait complètement de lui. Savoir que je dépendais du Dieu qui contrôle le temps et les circonstances me faisait du bien. Cette conviction nous vient par le Saint-Esprit qui entre en nous et nous transforme.

Diriez-vous qu’à l’époque vous avez vécu une effusion de l’Esprit Saint ?

Dans le milieu pentecôtiste, on appelle effectivement cela une effusion du Saint-Esprit. Moi, j’appelle vraiment chaque individu à vivre cette effusion. Il s’agit d’une rencontre personnelle avec Jésus. Rencontrer Jésus personnellement, ce n’est pas une culture, ni une éducation, c’est une expérience personnelle qui vous transforme. La personne qui vit cette expérience voit des modifications dans sa façon de parler, dans sa façon de vivre et dans sa façon de voir le prochain. Le grand message que Jésus est venu nous transmettre, c’est : « Aime ton prochain comme toi-même. » Il s’agit d’un idéal que nous ne pouvons pas atteindre. On veut toujours tout faire d’abord pour soi, mais quand Jésus nous dit : « Aime ton prochain comme toi-même » (Matthieu 19.19), c’est d’une profondeur inouïe.

Vous avez vécu cette expérience quand vous aviez 13 ans. Est-ce toujours un vécu que vous vous réappropriez pour que votre amour à l’endroit du prochain soit renouvelé ?

On a toujours en nous quelque chose qui nous fait faire ce que nous ne voulons pas, mais je crois que cette expérience nous permet de voir autrui tout à fait différemment. Cette expérience transforme les relations que l’on peut avoir avec son entourage.

Qu’est-ce que cet amour de Jésus vous apporte, lorsque vous devez faire face aux ravages des viols de guerre sur le corps d’une femme ?

Cela me rappelle à quel point nous avons besoin de prêcher cet amour. Il nous faut montrer aux personnes que nous rencontrons qu’elles doivent faire un choix dans la vie : faire le bien ou faire le mal. Lorsque quelqu’un choisit de faire le mal, le mal le détruit lui-même. J’ai rencontré certains de ces jeunes qui ont servi dans des milices et qui ont subi un lavage de cerveau pour aller détruire les femmes et les enfants…

Est-ce que ce sont des gens que vous pouvez rencontrer sans vous dire qu’ils incarnent le mal par excellence ?

A mon sens, ces gens sont des victimes. Ce sont des bourreaux, c’est vrai, mais ce sont aussi des victimes. Ils subissent un lavage de cerveau par des hommes adultes qui, après, les envoient faire le mal. Quand ces enfants ou ces ados grandissent, leur vie est complètement détruite. Adultes, ils vivent avec des troubles psychologiques permanents. Ils ont besoin d’être soignés psychologiquement, mais aussi dans le domaine spirituel. Dans chacun de ces bourreaux-victimes, il faut voir l’homme créé à l’image de Dieu pour pouvoir le respecter. Quand je vois ces miliciens, j’ai de la compassion pour eux. Ce sont des vies détruites.

Quand vous voyez de telles lésions sur le corps d’une femme, cela vous fait-il douter de l’existence de Dieu ?

Pas une seule seconde ! Le Dieu en qui je crois est un Dieu qui nous donne la liberté de choisir. Lorsque quelqu’un choisit de faire le mal, c’est un mauvais choix, mais il peut aussi choisir de faire le bien. Notre rôle est d’aider les gens à faire le bon choix. Ce bon choix, on ne peut pas le faire « dans la chair », on le fait « dans l’Esprit », parce qu’il y a quelque chose qui habite en nous et qui nous transforme…

En tant que pasteur, vous arrive-t-il de prêcher cela pour que l’être intérieur de vos auditeurs soit changé ?

Absolument. C’est quelque chose que je fais en permanence. Dans mon Eglise, les membres peuvent trouver parfois que je prêche beaucoup sur l’amour du prochain à partir de plusieurs angles. La rencontre avec le Christ permet de rencontrer cet amour et cet amour jaillit ensuite en vous. Je crois que c’est cela qui peut transformer le monde.

Dans votre livre, vous racontez comment un jour vous avez décidé d’être médecin, alors que vous vous trouviez aux côtés de votre père pasteur, en train de prier pour un malade…

Ce moment a été un instant-clé dans ma vie. C’était la première fois que j’étais confronté à ce que l’on appelle l’injustice. Chaque fois que j’étais malade, mon père priait pour moi, mais il avait aussi un médicament à m’administrer. Comme enfant, je ne me posais pas la question de la provenance de ce médicament. Un jour, il est appelé à prier pour un enfant. Cet enfant avait de la fièvre. Mon père a prié pour lui, puis il a dit au revoir. J’ai alors dit : « Tiens, Papa, pourquoi ne donnes-tu pas un médicament comme tu le fais pour moi quand je suis malade ? » Sa réponse a été sans appel : « Je ne suis pas médecin ! » Là, c’est comme si quelque chose bondissait en moi : « Mon père, il y a des choses qu’il ne peut pas faire. Il ne peut pas donner de médicaments puisqu’il n’est pas médecin. » Et je lui ai dit : « Papa, je serai médecin quand je serai grand. Je pourrai donner des médicaments et toi tu pourras prier. » J’avais 8 ans et cette parole m’a suivi jusqu’à maintenant.

Propos recueillis par Serge Carrel

Note
1 Denis Mukwege, Plaidoyer pour la vie, L’autobiographie de l’homme qui répare les femmes, Paris, L’Archipel, 2016, 300 p.
Source : LaFree.ch

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