Etude : l’antisémitisme est constitutif de l’ADN de l’Europe

Le 27 décembre 2018

Considérée comme la plus vaste recherche jamais menée sur l’antisémitisme, l’Agence sur les Droits Fondamentaux a publié le 10 décembre 2018 une étude sur l’antisémitisme dans 12 pays de l’Union Européenne, intitulée : « Expériences et perceptions de l’Antisémitisme ». De nombreux médias dans divers pays ont cité, sans soulever la moindre critique, des statistiques tirées de ces travaux.

Avant d’analyser le rapport, devrait-on cependant insister, ce que peu de journalistes ont fait, sur le fait que la méthodologie de ce rapport ne répond pas aux critères statistiques de la représentativité. Les chercheurs l’expliquent de cette façon : “Bien que les résultats ne puissent être considérés comme représentatifs de tous les Juifs de l’U.E, ils constituent et de loin, le recueil le plus vaste de preuves empiriques sur la discrimination, le crime de haine et l’antisémitisme contre les Juifs en Europe, depuis la première étude de ce genre réalisée par la FRA en 2012”. Pour obtenir des réponses au questionnaire, une diversité d’organisations juives, ont principalement utilisé leurs listes d’adresses mail.

Cela conduit, de façon logique, à la conclusion qu’il y a bien plus de Juifs “impliqués”, plutôt que des Juifs “assimilés”, qui ont rempli le questionnaire. Il n’est pas non plus inconsidéré de supposer que même parmi les Juifs “impliqués”, ceux les plus préoccupés par l’antisémitisme étaient plus enclins à compléter le questionnaire que ceux qui se sentent moins concernés[1].

Ignorer ces raccourcis méthodologiques conduit à mal interpréter les résultats. Alors qu’on peut considérer comme corrects les résultats qualitatifs de l’étude, certains des tableaux de pourcentages cités ont probablement une tendance haussière. Pourtant, même les découvertes qualitatives de ce rapport sont extrêmement importantes. Même si beaucoup d’Européens ne sont pas antisémites, l’antisémitisme fait partie intégrante de la culture européenne depuis un millénaire ou à peu près. Il n’est pas remonté à la surface durant quelques décennies après la Shoah. Lors de ce siècle, il est, en revanche, très visible.

Dans l’introduction de l’étude, les auteurs disent que l’Union Européenne (U.E) et ses états-membres ont obligation légale de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour combattre efficacement l’antisémitisme et sauvegarder la dignité du peuple juif[2]. L’étude conclut, cependant, que le harcèlement antisémite dans les pays de l’U.E est tellement banalisé qu’il en est devenu “normal”. Cela signifie que ces états ont grossièrement échoué dans leur lutte contre l’antisémitisme, et certains pires que d’autres.

La grande majorité des sondés dit que l’antisémitisme s’est accru dans leur pays au cours des cinq années précédant l’étude[3]. Ils évaluent l’antisémitisme sur internet et les réseaux sociaux comme le plus gros problème socio-politique. Cette question est étroitement suivie par l’antisémitisme dans les espaces publics, la vie politique et des médias[4].

L’antisémitisme n’était pas considéré comme politiquement correct dans les pays d’Europe occidentale après la Shoah. Ainsi, l’antisémitisme s’est souvent transformé en antisionisme, qui n’est pas marqué des mêmes stigmates. Beaucoup d’Européens ne veulent toujours pas admettre que cette mutation se soit opérée.

En revanche, l’étude ne laisse que peu de doute sur ce phénomène. La déclaration antisémite la plus commune à laquelle les Juifs d’Europe sont confrontés, est que les Israéliens se comportent comme les Nazis envers les Palestiniens[5]. Au Moyen-Âge, la Chrétienté a introduit l’idée que les Juifs sont le mal absolu, tout comme, dans les sociétés de nos jours, le Nazisme est considéré comme le mal absolu.

Une étude sur les expériences face à l’antisémitisme au Pays-Bas, en novembre 2018 avait aussi montré que 9 sondés sur dix ont été confrontés à des reproches qui leur sont personnellement adressés touchant au conflit palestino-israélien[6].

Que les Juifs soient confrontés à ces injures ne devrait pas être une surprise. Une étude de 2011, de l’Université de Bielefeld, fondée sur un sondage statistiquement représentatif, mené dans sept pays européen démontrait que plus de 40% de la population étaient d’accord avec l’allégation extrêmement fausse, disant qu’Israël se comporte comme les Nazis.[7].

Au moins 28% de sondés ont déclaré avoir été harcelés au moins une fois au cours de l’année passée. L’étude a aussi démontré que ceux qui peuvent être reconnus comme Juifs font substantiellement plus facilement l’objet de harcèlement, que ceux qui sont moins visibles. Trois pour cent des sondés disent qu’ils ont été physiquement attaqués parce qu’ils sont Juifs, au cours des cinq années avant l’étude.

Où est-ce que le caractère non-représentatif de l’étude affecte le plus ses résultats? 38% des Juifs interviewés ont envisagé d’émigrer dans les cinq ans précédant l’étude, parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité. Cette courbe semble haute. La même chose est vraie concernant la découverte disant que 34% des sondés évitent de se rendre aux événements ou sur les sites de la vie juive, parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité[8]. Pourtant, bien avant l’explosion majeure d’antisémitisme de ce début de siècle, beaucoup de Juifs d’Europe étaient tellement assimilés qu’ils ne s’étaient jamais rendus sur des sites ou dans des événements liés à la vie juive.

En ce qui concerne le harcèlement, les deux catégories d’auteurs les plus fréquemment mentionnés, pour les incidents les plus graves sont “quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas” ou “quelqu’un ayant une vision musulmane extrémiste”. Celles-ci sont suivies de “quelqu’un ayant un point de vue politique d’extrême-gauche”, qui a été plus fréquemment mentionné que “quelqu’un ayant un point de vue d’extrême-droite[9]“.

Le fait que l’antisémitisme de gauche est plus souvent mentionné que l’antisémitisme de droite est cohérent avec le fait que la principale expression verbale d’antisémitisme trouvée par l’étude consiste à accuser les Juifs des actes portés par Israël. C’est une accusation qui provient essentiellement de la gauche et plus rarement de droite.

Un élément positif est mentionné : environ la moitié des interviewés disent que leurs gouvernements nationaux font des efforts pour garantir les besoins de sécurité des communautés juives. De nos jours, des efforts bien plus conséquents sont réalisés par les gouvernements pour mettre des policiers ou des forces militaires devant les synagogues ou d’autres institutions juives que ce n’était le cas il y a cinq ans.

Dans la perspective de la banalisation de l’antisémitisme en Europe, il n’est pas surprenant que l’étude ait trouvé que peu de Juifs rapportent les incidents antisémites à la police ou à d’autres institutions[10]. Quatre répondants sur cinq ayant été harcelés n’ont pas porté plainte.

Même s’ils ne sont pas pleinement représentatifs, les résultats de cette étude sont une déclaration accablante de l’hypocrisie de l’Europe, de son antisémitisme envahissant, de sa politique d’immigration non-sélective, qui a amené en Europe de nombreux incitateurs de haine antijuive supplémentaires, de sa propagation anti-israélienne, et de l’énorme contradiction entre la rhétorique et les actions des dirigeants européens en matière de lutte contre l’antisémitisme.

Manfred Gerstenfeld

Source : JForum

Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski.

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[1] European Agency For Fundamental Rights, Experiences and perceptions of antisemitism, Second survey on discrimination and hate crime against Jews in the EU  Luxembourg) p.  2018 p. 7
[2] Ibid, p. 7
[3] Ibid, p. 52
[4] Ibid, p. 11
[5] Ibid, p. 11
[6] https://eenvandaag.avrotros.nl/fileadmin/user_upload/Opiniepanel_rapport_J-2.pdf
[7] “Zusammenfassung zentraler Ergebnisse,” Frederich Ebert Stiftung and Bielefeld Universitaet, November 20, 2014, 5 (German)
[8] European Agency For Fundamental Rights, Experiences and perceptions of antisemitism, Second survey on discrimination and hate crime against Jews in the EU  Luxembourg) p.  2018 p. 12
[9] Ibid, p. 12 – 13
[10] Ibid.

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