Ce n’est pas le christianisme qui meurt, mais le christianisme de nom

Le 21 mai 2015

L’Amérique chrétienne n’est plus ce qu’elle était. Pas sur le papier, en tout cas. En sept ans, la proportion de chrétiens aux Etats-Unis aurait chuté de presque 8 points : de 78,4% en 2007 à 70,6% en 2014. Une baisse sans précédent qui concernerait particulièrement les jeunes. A l’inverse, ceux qui ne se réclament d’aucune religion – on les appelle les « nones » – seraient en très forte hausse. En 2007, ils étaient 16%. Sept ans plus tard, ils ont atteint 23% et dépasseraient désormais les catholiques, qui, eux, seraient en forte baisse. Certes, l’Amérique reste massivement chrétienne, et personne n’en doute, mais elle semble évoluer à une vitesse inédite dans le sens de la sécularisation, un peu comme l’Europe occidentale.

Pour le constater, il faut lire les résultats, très spectaculaires, voire sensationnels, de la dernière grande enquête de Pew Research Center. C’est un think tank de référence connu pour ses études du fait religieux aux Etats-Unis. Publiée le 12 mai, suscitant aussitôt des grands titres dans la presse américaine, l’enquête est le fruit d’un très vaste travail d’analyse en fonction des réponses données par pas moins de 35 000 Américains de plus de 18 ans interviewés par téléphone l’année dernière. Intitulée Changing U.S. Religious Landscape (Les évolutions du paysage religieux américain), elle a précisément pour but de décrire, d’une façon détaillée, les groupes qui peuplent le paysage religieux et leurs caractéristiques démographiques, cultuelles et culturelles. Le même type d’enquête, sur la même population représentative, a été mené il y a sept ans, ce qui permet donc de faire descomparaisons adéquates.

Christianisme USA2Pour la même raison, on peut aussi rassurer tous ceux qui, à juste titre, ont peur d’une approche exclusivement sociologique, ou sociologisante, qui conduit à une simplification médiatique du fait religieux. Pew est un institut de recherche sérieux dirigé par des personnes sensibles à la foi chrétienne. Si les chiffres avancés sont spectaculaires, ils ne font que confirmer – et même valider – la même tendance que d’autres instituts de sondage et de recherche observent depuis longtemps, à savoir la perte de vitesse, voire la crise, des grandes Eglises institutionnelles et la montée des « nones ». Ce dernier phénomène est d’ailleurs largement décrit et commenté par les spécialistes, surtout parce qu’il est un peu plus complexe qu’il n’en a l’air (voir plus bas).
L’enquête de Pew, précisément, va plus loin et est beaucoup plus précise que tout ce qui avait déjà été fait en la matière. Sur plus de 200 pages, hors annexes, les chercheurs décrivent notamment les évolutions internes au christianisme et les spécificités démographiques de chaque groupe. Elle dit concrètement combien ils sont et combien ils étaient (en fonction de ce que disent les gens eux-mêmes) et comment évolue le sentiment d’appartenance, y compris sur le plan ethnique, géographique, générationnel, culturel. Une mine, donc ! Du coup, même si les Etats-Unis ne sont pas la France, ces phénomènes pourraient nous intéresser grandement ici, en tant que chrétiens. D’autant plus que les conclusions sont discutées et même débattues dans la presse (voir plus bas). Quant aux autres croyants et aux non croyants, ils trouveront autant d’informations qui les concernent.

Voici quelques-uns des résultats qui nous ont semblé importants à retenir :

– La baisse de la part de ceux qui se disent chrétiens aux Etats-Unis n’est pas seulement relative (par rapport à l’évolution démographique). Le déclin se mesure bien en chiffres absolus. En 2007, 178,1 millions d’Américains se disaient chrétiens. Sept ans plus tard, ils n’étaient plus que 172,8 millions. Soit une baisse nette de plus de 5 millions de personnes. (Ce qui est d’autant plus spectaculaire que pendant le même intervalle, le nombre d’adultes susceptibles d’être interviewés par les enquêteurs est passé de 227 millions en 2007 à 245 millions en 2014, donc une croissance de 8%.)

– L’Eglise catholique américaine affronterait une des baisses les plus spectaculaires de son histoire. La part des catholiques serait tombée à 20,8% contre 23,9% il y a sept ans. En chiffres absolus, ils ne sont plus que 50,9 millions contre 54,3 millions en 2007. Il s’agit là d’un des résultats les plus inattendus de l’enquête. D’autres instituts, comme Gallup, indiquaient jusqu’alors une stabilité du nombre de catholiques. Cette évolution ne correspond pas non plus aux statistiques de l’Eglise catholique (qui compte le nombre de baptisés, relativement stable, et non les gens en fonction de leurs sentiments d’appartenance). Accessoirement, on notera que « l’effet François » – s’il existe – n’a pas (pas encore ?) permis de faire évoluer le nombre de catholiques.

Christianisme USA1– La plus grosse perte du nombre de fidèles concerne les protestants « historiques » (ou « mainline »). Cette tendance à la baisse est en cours depuis des décennies et n’est donc pas surprenante. Sauf que là, il s’agit d’une chute sans précédent. Ces « historiques » comme on appelle la plupart des méthodistes, les luthériens, les épiscopaliens (anglicans), certaines Eglises presbytériennes et baptistes, ne seraient plus que 36 millions, contre 41 millions il y a sept ans. Ils sont passés de 18,1% en 2007 à 14,7% aujourd’hui. Une Bérézina. Néanmoins, il convient de noter que les Eglises noires protestantes avec leurs 16 millions de sympathisants – dont des communautés baptistes et réformées – demeurent, elles, stables, et auraient même gagné des adhérents.

– L’évangélisme est stable. Ce qui, dans un contexte où d’autres grands courants chrétiens semblent s’effondrer, constitue un des enseignements centraux de l’enquête. En chiffres relatifs, il est certes en légère baisse (de 26,3% à 25,4%), mais il évolue positivement en chiffres absolus. Surtout, il est, de loin, le courant chrétien le plus important aux Etats-Unis, y compris chez les jeunes. Quelques 62 millions d’Américains se disent protestants évangéliques aujourd’hui (contre 59,8 millions il y a sept ans). Il s’agit de baptistes du sud, de pentecôtistes des Assemblées de Dieu, certains presbytériens et de toutes sortes de petites dénominations, de megachurches et aussi d’Eglises dites « non-dénominationnelles ». Ces dernières sont des communautés très pratiquantes qui cultivent un esprit d’autonomie et souvent une grande orthodoxie sur le plan biblique. Quand on regarde plus près, on se rend vite compte que la croissance vient surtout de ces « non-dénominationnels », des megachurches et aussi des pentecôtistes, alors que les baptistes sont en perte de vitesse nette, particulièrement dans le Sud des Etats-Unis.
Henrik Lindell

Lire la suite : La Vie du 16/05/15

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